Moscou annonce la reddition de 265 combattants de Marioupol, Kiev parle d'"échange"
Moscou a annoncé mardi la reddition de 265 soldats ukrainiens retranchés dans l'aciérie Azovstal, l’ultime poche de résistance face à l'armée russe dans le port ukrainien de Marioupol, Kiev évoquant un prochain échange contre des prisonniers russes.
La prise totale de Marioupol, ville stratégique sur la mer d'Azov assiégée depuis début mars par les Russes, défendue chèrement par les Ukrainiens et largement détruite par les combats, serait une avancée importante pour Moscou dans ce conflit. Elle lui permettrait de contrôler une bande de territoire allant de la péninsule de Crimée, que les Russes ont annexée en 2014, aux territoires du Donbass (est) déjà aux mains de séparatistes prorusses.
"Au cours des dernières 24 heures, 265 combattants ont rendu les armes et se sont constitués prisonniers, dont 51 gravement blessés", a affirmé le ministère russe de la Défense dans un communiqué sur l'état de l'offensive russe en Ukraine, lancée le 24 février.
L'échange de ces soldats "sera réalisé pour rapatrier ces héros ukrainiens le plus rapidement possible", a de son côté indiqué sur Telegram le Département des renseignements militaires du ministère ukrainien de la Défense, confirmant indirectement que ces hommes, qui ont "rempli" leur mission, étaient bien aux mains des Russes.
"Après la stabilisation de leur état, nous allons les échanger contre des prisonniers de guerre russes", a-t-elle indiqué sur Telegram.
- "Sauver la vie de nos gars" -
Lundi soir, la vice-ministre ukrainienne de la Défense Ganna Malyar avait indiqué que "53 blessés graves ont été évacués d'Azovstal vers Novoazovsk pour assistance médicale et 211 autres ont été transportés à Olenivka par un couloir humanitaire".
Novoazovsk et Olenivka sont situées en territoire contrôlé par les forces russes et prorusses dans l'est de l'Ukraine, mais les combattants devaient être rapatriés en territoire contrôlé par l'Ukraine "dans le cadre d'une procédure d'échange", avait-elle précisé.
Ces déclarations étaient survenues après que le ministère russe de la Défense eut annoncé lundi avoir instauré un cessez-le-feu autour d'Azovstal.
Kiev avait affirmé la semaine dernière que plus de 1.000 soldats ukrainiens - dont 600 blessés - se trouvaient dans ce complexe industriel, véritable "ville dans la ville" avec ses kilomètres de galeries souterraines.
Quant aux combattants ukrainiens restés dans Azovstal - dont Kiev n'a pas reprécisé le nombre -, ordre a été donné à leurs commandants de "sauver (leur) vie", a indiqué l'état-major de l'armée ukrainienne dans un communiqué.
Lundi, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait souligné dans une vidéo que l'essentiel était de "sauver la vie de nos gars". Mais eux aussi pourraient n'avoir d'autre choix que la reddition, car si "l’Etat ukrainien fait tout le nécessaire" pour les sauver, il ne " peut pas aujourd’hui débloquer Azovstal par la voie militaire", a admis le ministère ukrainien de la Défense sur Telegram.
- "Frappes très puissantes" dans le Donbass -
La résistance acharnée des Ukrainiens à Marioupol a notamment empêché la prise rapide par l'armée russe de la grande ville ukrainienne de Zaporijjia, à 200 km au nord-ouest, et retardé le transfert de 20.000 soldats russes vers d'autres fronts, selon l'état-major ukrainien.
Sur le front Est de l'Ukraine, objectif prioritaire de Moscou, l'armée russe "ne cesse de mener des opérations offensives", a indiqué l'état-major mardi matin dans un communiqué.
Les forces russes se concentrent notamment sur la ville de Severodonetsk, qu'ils encerclent quasiment. Cette ville est devenue capitale régionale pour les Ukrainiens depuis que des forces séparatistes soutenues par Moscou se sont emparées d'une partie du Donbass en 2014.
"Severodonetsk a subi des frappes très puissantes", tout comme sa ville jumelle de Lyssytchank, avait indiqué lundi le gouverneur de la région, Serguiï Gaïdaï, accompagnant son message d'images des destructions.
Mais les forces ukrainiennes résistent, selon l'état-major ukrainien, obligeant notamment les Russes à "se replier" de Sirotyne après "de lourdes pertes".
- "Soldats russes expulsés" -
Dans le Nord-Est en revanche, les Ukrainiens ont repris le contrôle d'une partie de la zone frontalière près de Kharkiv, la deuxième ville d'Ukraine, selon Kiev.
Diffusant sur son compte Facebook une vidéo montrant des soldats ukrainiens devant un poteau-frontière peint aux couleurs de l'Ukraine, jaune et bleu, le ministère de la Défense s'est félicité lundi que ses forces aient "expulsé les Russes".
Les Russes ont bombardé des semaines durant des quartiers nord et est de Kharkiv. La ville, dont nombre d'infrastructures ont été détruites, essaie de reprendre un quotidien normal, même si de nombreux habitants ne sont pas encore revenus, a constaté une équipe de l'AFP.
Dans un immeuble en partie détruit du quartier Saltivkala, Olexandre Vendland, un déménageur, visite son appartement ravagé, notamment la chambre de ses deux filles de huit et 14 ans: un sac rose, une grande peluche, des petits dessins, c'est tout ce qui émerge des gravats. Le veuf de 45 ans a envoyé ses filles en Allemagne, chez leur oncle: "C'est impossible de vivre ici pour des enfants. Ils ont besoin de nourriture, d'éducation. Il n'y a rien ici. Des bénévoles nous aident avec de l'eau et de la nourriture pour qu'on puisse survivre".
Les autorités ukrainiennes s'attendent désormais à ce que les unités russes désengagées de la région de Kharkiv soient envoyées dans le Donbass.
- L'UE "prise en otage" -
Autre front pour Moscou: l'élargissement probable de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (Otan) à la Finlande et la Suède, deux pays que l'invasion russe de l'Ukraine a poussés à renoncer à des décennies de non-alignement militaire.
Le président russe Vladimir Poutine a estimé lundi que ces adhésions ne constituaient pas "une menace immédiate". Mais, a-t-il poursuivi, "le déploiement d'infrastructures militaires sur les territoires de ces pays entraînera bien sûr une réponse".
Avec l'entrée probable de la Finlande dans l'Otan, c'est 1.300 km de frontières terrestres supplémentaires que la Russie partagera avec l'Alliance atlantique.
A Bruxelles, l'UE a tenté quant à elle lundi de s'entendre sur un arrêt des achats de pétrole russe, refusé par la Hongrie, très dépendante de Moscou dans ce secteur.
"Toute l'Union est malheureusement prise en otage par un État membre qui ne peut pas nous aider à trouver un consensus", a déploré le chef de la diplomatie lituanienne, Gabrielius Landsbergis.
Pour le chef de la diplomatie hongroise, Peter Szijjarto, "les Hongrois attendent légitimement une proposition de solution pour financer les investissements (de nouvelles infrastructures) et compenser des hausses de prix, un coût global de l'ordre de 15-18 milliards d’euros".
Au terme de la réunion, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a concédé que finaliser le 6e paquet de sanctions contre la Russie "prendra du temps". Un sommet européen extraordinaire est prévu les 30 et 31 mai.
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(A.Monet--LPdF)