Sur un campus du Wisconsin, les étudiants d'autres Etats votent là où ça compte
Pour Sadie Rosenthal, étudiante à l'université du Wisconsin-Madison, la question ne se pose même pas. Elle votera là où elle réside, c'est-à-dire au Wisconsin, dans un Etat pivot susceptible de peser lourd sur l'issue de la présidentielle américaine et non dans son Maryland natal.
"Je sais que ma voix est incroyablement importante ici, en tant qu'étudiante venue d'un autre Etat, si bien que je n'ai eu aucune hésitation quand il s'est agi de changer d'inscription" électorale, explique la jeune femme de 22 ans, rencontrée par l'AFP sur une terrasse du campus bordant le lac Mendota.
L'élection qui mettra aux prises la semaine prochaine la vice-présidente démocrate Kamala Harris et le milliardaire républicain Donald Trump s'annonce très serrée.
Le Wisconsin figure parmi les sept Etats clés susceptibles de faire basculer le scrutin d'un côté ou de l'autre tandis que le Maryland devrait accorder la victoire à Kamala Harris.
La ville de Madison, dans le comté traditionnellement démocrate de Dane, accueille 50.000 étudiants dans son emblématique université publique, coutumière des discussions politiques et mouvements de protestation.
La moitié des étudiants viennent d'autres Etats américains. Aux termes du code électoral local, pour voter dans le Wisconsin, il suffit d'y habiter pendant 28 jours consécutifs.
Pour Sadie Rosenthal, il n'y a pas photo.
- "Contribuer à la conquête" -
"Notre devoir c'est de contribuer à la conquête de cet Etat", dit-elle, expliquant qu'elle votera Kamala Harris en raison de ses positions sur le droit à l'avortement et le changement climatique. "On peut considérer que nos voix sont celles qui compteront le plus de tout le pays."
Reese McLean, 19 ans, étudiante originaire de l'Etat de New-York, s'est également enregistrée comme électrice du Wisconsin.
"Je savais que mon vote compterait plus ici", dit-elle à l'AFP après avoir fait la queue pendant deux heures pour pouvoir voter Kamala Harris de manière anticipée.
Dans le Wisconsin, sur les 25 dernières années, les candidats à quatre présidentielles sur six l'ont emporté de moins de 1% des voix, offrant à leur camp les 10 grands électeurs de cet Etat.
Mike Wagner, professeur spécialiste des élections de l'Université du Wisconsin-Madison, juge que "le vote étudiant pourrait être déterminant" dans l'Etat.
"Le Wisconsin est un Etat où 10.000 votes peuvent être déterminés par une douzaine de choses", thèmes de campagne ou facteurs démographiques, dit-il a l'AFP. "Le vote des étudiants venus d'autres Etats est dans cette marge."
L'Université du Wisconsin-Madison connaît en outre l'un des plus forts taux de participation du pays. Quand le président Joe Biden l'avait emporté de justesse face à Donald Trump en 2020, 72,8% des électeurs étudiants de l'établissement avaient voté.
Facteur majeur de la participation, les électeurs peuvent s'enregistrer en personne dans les bureaux de vote du Wisconsin, jusqu'au jour de l'élection, une possibilité qui n'existe que dans moins de la moitié des Etats américains.
- Stratégie -
Accrocher les électeurs originaires d'ailleurs est "absolument" une stratégie, confirme Alexia Sabord, présidente des démocrates du comté de Dane. "En choisissant de voter dans le Wisconsin, les électeurs démocrates peuvent potentiellement changer le résultat dans l'Etat, potentiellement changer le résultat dans le pays."
Les républicains en sont bien conscients.
Les parlementaires républicains locaux ont proposé une loi exigeant des écoles du système d'éducation public du Wisconsin, qui compte 13 campus et enregistre 160.000 élèves chaque année, qu'elles fournissent à toutes les premières années des informations sur le vote dans leur Etat d'origine.
Le texte, dénoncé par ses critiques comme une tentative pour éviter des bulletins de vote démocrates, n'avait pas été adopté.
Il y a eu d'autres initiatives républicaines controversées pour restreindre les règles électorales sur les campus, y compris en exigeant la présentation par les électeurs de pièces d'identité, souvent des permis de conduire que n'ont pas certains jeunes électeurs et membres des minorités.
L'ancien gouverneur républicain du Wisconsin, Scott Walker, qui dirige une organisation dont le but est de populariser les idées de droite auprès des jeunes, a dénoncé leur "endoctrinement". "On doit lutter contre, faute de quoi les conservateurs ne gagneront jamais plus d'Etats bascules".
Les campus du Wisconsin penchent plutôt à gauche mais certains jeunes d'autres Etats votent républicain.
Bryan Zumba, 22 ans, qui a grandi à Chicago, raconte à l'AFP avoir voté pour Donald Trump exactement pour les mêmes raisons que ses pairs démocrates. Ici, "ma voix compte plus".
(F.Moulin--LPdF)