L'issue de la COP16 biodiversité se précise sur la bataille du financement
La nuit est tombée vendredi en Colombie sur le dernier jour de la COP16 biodiversité, sans fumée blanche sur la résolution du bras de fer entre Nord et Sud sur le financement de la protection de la nature, menacée par les prédations de l'humanité.
Alors que certaines délégations s'apprêtaient à partir, un frémissement a réveillé dans la soirée le site du sommet de l'ONU à Cali, dans une vallée luxuriante des Andes: de nouveaux projets d'accord ont été publiés par la présidence colombienne.
Vers 22H15 (03H15 GMT samedi), la plénière finale a débuté, pour adopter certaines décisions moins contentieuses. Mais le principal texte manquait encore à l'appel: celui sur la manière d'atteindre l'objectif de porter à 200 milliards de dollars par an les dépenses mondiales pour sauver la nature.
Sur ce total, 30 milliards devront être fournis par les pays riches. En 2022, ils avaient atteint 15 milliards environ, selon l'OCDE.
Un premier compromis proposé dans la matinée par la présidence colombienne avait mécontenté tout le monde.
Les pays en développement, en particulier le groupe africain, réclament un nouveau fonds multilatéral pour remplacer l'actuel, jugé inadapté et inéquitable.
Mais le texte proposé se limitait à lancer un "processus" de discussions censé se poursuivre ... jusqu'à la COP17, en 2026 en Arménie.
"Nous sommes totalement déçus": "Il n'y a pas de création du fonds dédié à la biodiversité, il n'y a pas de mesures fortes pour pousser les pays développés à respecter leurs engagements", a réagi auprès de l'AFP Daniel Mukubi, négociateur de la République démocratique du Congo.
- Répétition de Bakou -
La journée s'est poursuivie par un ballet incessant de délégations venant rencontrer à huis clos Susana Muhamad, la présidente colombienne du sommet, qu'elle sillonnait vendredi avec un bâton d'un peuple autochtone d'Amazonie.
Vers 18H00, elle accueillait l'Union européenne, hostile à la création d'un énième fonds qui pèserait sur les seules épaules des pays développés de longue date.
En arrière-plan, tous ces acteurs se préparent à rejouer la même bataille, mais sur des montants dix fois plus élevés, lors de la COP29 sur le climat, à Bakou en Azerbaïdjan à partir du 11 novembre.
A Cali, le bras de fer concerne le financement de l'accord de Kunming-Montréal que les 196 pays membres de la Convention sur la diversité biologique (CDB) ont adopté il y a deux ans.
Cet accord prévoit de placer 30% des terres et des mers dans des aires protégées d'ici 2030, ou encore réduire de moitié les risques des pesticides.
La COP16 avait pour mission de rehausser les timides efforts du monde pour appliquer ces grands objectifs, destinés à sauver la planète et les êtres vivants de la déforestation, de la surexploitation, du changement climatique et de la pollution, tous causés par l'humanité.
- "Fonds Cali" -
A six ans du but, 44 des 196 pays ont établi leur stratégie nationale pour appliquer l'accord, plus ou moins à la hauteur, et 119 ont soumis des engagements sur tout ou partie des objectifs, selon le comptage officiel vendredi.
A la COP17, dont l'Arménie vient de décrocher l'organisation face à son ennemi historique l'Azerbaïdjan, les pays devront faire le bilan de leurs efforts. Mais sa crédibilité et la probable correction de trajectoire dépendront de règles complexes et d'indicateurs à adopter à Cali.
D'où les négociations, très techniques, de vendredi soir.
Autre compromis à trouver: le partage des bénéfices réalisés par des entreprises — pharmaceutiques et cosmétiques en tête — avec les données génétiques numérisées (DSI en anglais) issues de plantes et animaux de pays en développement, par exemple le code génétique de l'arôme de vanille.
La présidence propose que les entreprises d'une certaine taille utilisant ces données génétiques versent 0,1% de leurs revenus ou 1% de leurs bénéfices à un mécanisme, le "Fonds Cali".
"La contribution n'est plus volontaire", comme réclamée par les pays riches, "elle est plus ou moins obligatoire, c'est positif", salue le négociateur congolais.
Placé sous l'égide de l'ONU, un tel fonds aurait pour mission de répartir l'argent récolté, moitié pour les pays, moitié pour les peuples autochtones ou communautés ayant préservé ces ressources.
La conférence s'est déroulée avec un déploiement massif de policiers et soldats, à la suite des menaces d'une guérilla colombienne de la région, sans incident à ce stade.
(N.Lambert--LPdF)