Juan Carlos Ier attendu en Espagne, une brève visite qui fait grincer des dents
En exil depuis près de deux ans aux Emirats arabes unis après des accusations de malversations, l'ex-roi Juan Carlos Ier revient pour la première fois jeudi en Espagne, où sa brève visite suscite beaucoup de critiques.
Car si l'ancien monarque, âgé de 84 ans, a vu les enquêtes judiciaires le visant être classées en mars, les révélations sur l'origine opaque de sa fortune ont définitivement sapé l'image de cette figure adulée pendant des décennies pour avoir mené la transition démocratique de l'Espagne après la mort du dictateur Franco en 1975.
"Les informations que nous avons eues ces dernières années" sur Juan Carlos "sont très inquiétantes (...) pour l'institution (monarchique)" et "je crois qu'il devra donner des explications sans aucun doute", a insisté jeudi la ministre de l'Economie et numéro deux du gouvernement, Nadia Calviño, sur la radio Cadena Ser.
L'ancien souverain doit arriver en fin de journée à Sanxenxo, dans le nord-ouest de l'Espagne, pour assister ce weekend à une régate à laquelle participera le "Bribon", voilier avec lequel il a été champion du monde en 2017.
Il fera ensuite le déplacement lundi à Madrid pour voir notamment son fils, le roi Felipe VI, et son épouse Sofia, avant de repartir le jour même à Abou Dhabi "où il a établi sa résidence de façon permanente et stable", a insisté mercredi soir le palais.
Avant d'assurer que Juan Carlos, qui compte désormais revenir "régulièrement en Espagne" pour voir "sa famille et ses amis", logera toujours "dans un lieu de résidence privé".
- Le gouvernement opposé à un séjour au palais -
Selon les médias espagnols, le gouvernement du socialiste Pedro Sánchez était, en effet, farouchement opposé au fait qu'il puisse être hébergé, même pour une brève durée, au palais de la Zarzuela, résidence officielle du souverain, qui est le chef de l'Etat.
Membre de la coalition au pouvoir, le parti de gauche radicale Podemos a, comme il en a l'habitude, tiré à boulets rouges sur l'ancien souverain.
"Toute personne revenant dans notre pays avec l'historique du roi Juan Carlos Ier serait interpellé à la frontière et déféré devant la justice. La justice n'est pas la même pour tous. La monarchie est une institution conçue pour commettre des délits", a-t-il dénoncé jeudi sur Twitter.
A droite, le chef du Parti Populaire Alberto Núñez Feijóo a en revanche défendu le "droit" de Juan Carlos à "revenir en Espagne" alors que la justice a classé ses enquêtes.
L'ex-roi, qui a abdiqué en 2014 sur fond de scandales, avait quitté l'Espagne en août 2020 pour Abou Dhabi après des révélations de plus en plus compromettantes sur son train de vie fastueux et l'origine opaque de sa fortune.
Il avait alors expliqué vouloir "faciliter" à Felipe VI "l'exercice" de ses fonctions devant "les conséquences publiques de certains événements passés de (sa) vie privée".
Ne pouvant le poursuivre "en raison de l'insuffisance d'indices incriminants, de la prescription des délits et de l'immunité" dont il bénéficiait en tant que chef d’Etat jusqu'en 2014, le parquet espagnol avait classé en mars les trois enquêtes le visant pour des soupçons de corruption ou de blanchiment.
Il avait toutefois mis en avant les "irrégularités fiscales" dont l'ancien roi s'était rendu coupable et qui l'ont amené à procéder depuis son départ à Abou Dhabi à deux régularisations fiscales d'un montant total de plus de 5 millions d'euros.
- "Trouble" -
"Il n'y a pas de raison juridique empêchant l'ancien roi de se rendre en Espagne, mais il existe un flot de raisons éthiques expliquant le trouble provoqué par l'annonce de son voyage", a souligné dans un éditorial El Pais, le premier quotidien généraliste du pays.
Tentant de redorer le blason de la monarchie espagnole depuis son accession au trône en 2014, Felipe VI a pris ses distances avec son père.
Il a ainsi décidé en mars 2020 de renoncer à l'héritage de son père et de lui retirer son allocation annuelle de près de 200.000 euros.
Plus récemment, il a lancé fin avril, avec le gouvernement Sánchez, une opération "transparence" pour le palais royal qui devra désormais faire auditer ses comptes, rendre publics ses contrats ou encore dresser un inventaire des cadeaux reçus par la famille royale.
(V.Castillon--LPdF)