L'Iran face à un nouvel avertissement pour ses activités nucléaires "troublantes"
Un programme nucléaire "troublant": les diplomates occidentaux ont dressé jeudi à Vienne un réquisitoire sévère contre l'Iran, avant le vote d'une résolution dans les prochaines heures et la riposte annoncée de Téhéran.
Devant le Conseil des gouverneurs de de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), l'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne (E3) et les Etats-Unis se sont succédés pour dénoncer l'escalade de la République islamique.
Ses activités nucléaires sont "profondément troublantes", a lancé l'ambassadrice américaine Laura Holgate, jugeant "le niveau de coopération avec l'instance onusienne bien en-deçà des attentes".
Berlin, Paris et Londres ont enfoncé le clou, rappelant que l'Iran avait amassé suffisamment d'uranium hautement enrichi pour "quatre armes nucléaires". "Son comportement pose une menace pour la sécurité internationale" et "le système mondial de non-prolifération", selon leur déclaration.
Après déjà un avertissement en juin, les quatre pays ont exhorté le Conseil des gouverneurs à rappeler à l'ordre Téhéran en approuvant leur résolution.
Le vote des 35 Etats membres, initialement prévu jeudi, pourrait être repoussé à vendredi matin, les débats étant toujours en cours, selon des sources diplomatiques.
- "Divergences" -
Le document, consulté par l'AFP, rappelle l'Iran à ses "obligations légales", en vertu du Traité de non-prolifération (TNP) ratifié en 1970.
"Il est essentiel et urgent" que le pays fournisse des "réponses techniques crédibles" concernant la présence de traces d'uranium inexpliquées sur deux sites non déclarés, écrivent les auteurs, réclamant à l'AIEA "un rapport complet" d'ici au printemps 2025.
Oucre ce litige de longue date, l'Iran a fortement restreint depuis 2021 sa coopération avec l'Agence, débranchant des caméras de surveillance et retirant l'accréditation d'inspecteurs expérimentés.
Parallèlement son programme nucléaire ne cesse de monter en puissance, même si Téhéran nie vouloir se doter de la bombe.
Mais cette fois, la résolution intervient dans un contexte particulier, avec un décalage entre la position occidentale et celle du chef de l'AIEA Rafael Grossi.
A l'occasion d'une visite sur place la semaine dernière, il a obtenu de l'Iran qu'il accepte d'entamer des préparatifs pour stopper l'expansion de son stock d'uranium enrichi à 60%, proche des 90% nécessaires pour fabriquer une arme nucléaire.
"C'est un pas concret dans la bonne direction", a-t-il insisté mercredi, et ce "pour la première fois" depuis que Téhéran s'est affranchi de ses engagements pris dans le cadre de l'accord conclu en 2015 à Vienne.
Une situation que le journal gouvernemental Iran n'a pas manqué de souligner jeudi, titrant sur "les divergences" à Vienne.
- "Pas aggraver les tensions" -
Le pacte dit JCPOA prévoyait un allègement des sanctions internationales contre Téhéran, en échange de garanties que l'Iran ne cherche pas à acquérir l'arme atomique.
Mais il a déraillé après le retrait des Américains en 2018, sous l'impulsion de Donald Trump, alors président, qui a rétabli des mesures punitives.
L'Iran a prévenu qu'il réagirait "en conséquence et de manière appropriée". Le vote "affaiblira" les relations entre l'instance onusienne et Téhéran, a mis en garde le chef de la diplomatie iranienne Abbas Araghchi, tout en se disant "déterminé à travailler" avec l'AIEA.
Pour Héloïse Fayet, spécialiste du nucléaire à l'Institut français des relations internationales (Ifri), cette initiative peut en effet "nuire aux efforts de Rafael Grossi".
"Mais les puissances occidentales sont frustrées du manque d'efficacité de ses manoeuvres diplomatiques et sont à la recherche de solutions plus fermes", dit-elle à l'AFP.
En riposte, l'Iran pourrait revenir sur sa dernière promesse ou "par exemple, élever le niveau d'enrichissement", pronostique l'expert en politique étrangère Rahman Ghahremanpour.
Mais l'analyste ne s'attend pas à des mesures drastiques car "l'Iran ne veut pas aggraver les tensions" avant le retour à la Maison Blanche de Donald Trump, artisan d'une politique dite de "pression maximale" durant son premier mandat.
Un moyen de garder une porte ouverte à des discussions avec "celui qui a tout fait capoter" en 2018 mais "aime se positionner en négociateur en chef", note Mme Fayet.
(A.Monet--LPdF)