L'armée libanaise déploie troupes et blindés dans le sud, après le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah
L'armée libanaise déploie jeudi troupes et blindés dans le sud du pays, au deuxième jour du cessez-le-feu qui a mis fin à deux mois de guerre ouverte entre Israël et le Hezbollah pro-iranien, et dont elle doit veiller à la délicate application.
Le Parlement libanais doit se réunir pour sa part le 9 janvier pour élire un président de la République, dont le pays est privé depuis plus de deux ans par les divergences entre le Hezbollah et ses adversaires, a annoncé l'agence libanaise d'information, Ani.
Aucun accroc majeur à la trêve n'a jusque-là été signalé, en dépit de la ruée, dès son entrée en vigueur mercredi à 02H00 GMT, de dizaines de milliers d'habitants déplacés par les hostilités pour rentrer chez eux, dans le sud, la banlieue sud de Beyrouth et l'est du pays, autant de bastions du Hezbollah pilonnés pendant deux mois par l'aviation israélienne.
Deux personnes ont toutefois été blessées jeudi dans des tirs israéliens "sur la place" du village médidional de Markaba, a indiqué l'agence libanaise d'information. L'armée israélienne, qui a prévenu la population de ne pas s'approcher des positions qu'elle conserve encore, a elle dit avoir tiré en direction de "suspects (..) arrivant avec des véhicules" dans certaines zones et "ne respectant pas les conditions du cessez-le-feu".
L'armée libanaise "poursuit son déploiement au sud du Litani (le fleuve à une trentaine de kilomètres de la frontière, NDLR), mène des patrouilles et installe des barrages de contrôle", a indiqué jeudi une source militaire à l'AFP, précisant que les soldats ne "s'avancent pas dans les secteurs où l'armée israélienne se trouve encore".
Dans le village chrétien de Qlaaya, proche de la frontière, des soldats libanais ont été accueillis à leur entrée mercredi soir par des habitants en liesse, qui leur ont lancé fleurs et riz, agitant des drapeaux du Liban. "Nous ne voulons au Liban que l'armée libanaise", scandait la foule, selon un correspondant de l'AFP.
L'armée avait indiqué mercredi commencer "à renforcer sa présence" dans le sud, "en coordination avec la Force intérimaire des Nations unies au Liban", Finul.
- "Prêts à faire face" à Israël -
L'accord de cessez-le-feu vise à mettre fin au conflit meurtrier enclenché il y a plus de 13 mois entre Israël l'armée israélienne et le mouvement islamiste libanais, qui déplacé 900.000 personnes au Liban et 60.000 dans le nord d'Israël.
Parrainé par les Etats-Unis et la France, il prévoit le retrait sous 60 jours de l'armée israélienne du Liban, où elle est entrée le 30 septembre, une semaine après le déclenchement par Israël d'une campagne de frappes massives contre le Hezbollah.
Le mouvement libanais doit lui se replier jusqu'au nord du fleuve Litani et démanteler son infrastructure militaire dans le sud. L'accord inclut un soutien technique américain et français à l'armée libanaise.
Sa mission s'annonce délicate: Israël se réserve "une totale liberté d'action militaire" au Liban, "si le Hezbollah viole l'accord et tente de se réarmer", a prévenu son Premier ministre, Benjamin Netanyahu.
Le Hezbollah s'est pour sa part prévalu mercredi d'une "victoire" sur Israël, affirmant que ses combattants "resteront totalement prêts pour faire face (...) aux attaques de l'ennemi israélien".
Le mouvement chiite va coopérer avec l'Etat libanais pour renforcer le déploiement de l'armée, a assuré à l'AFP un de ses députés, Hassan Fadlallah. Mais ses membres "sont les enfants des villages" du sud, d'où "personne" ne peut les chasser, a-t-il ajouté.
Affaibli par les coups israéliens, qui ont notamment décimé sa direction, la formation, armée et soutenue par l'Iran, reste un acteur incontournable sur la scène politique libanaise.
Le Hezbollah avait ouvert un front "de soutien" au Hamas contre Israël au début de la guerre dans la bande de Gaza, déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien sur le sol israélien. S'en sont suivis des mois d'échanges de tirs transfrontaliers, avant l'escalade de septembre.
- "Renaître" -
Le flux incessant d'habitants rentrant chez eux, pour retrouver leurs villes et villages dévastées se poursuit jeudi, sur des routes en proie à des embouteillages géants, ont constaté des correspondants de l'AFP.
Dans la cité méridionale de Tyr, où de la fumée s'élève encore de bâtiments bombardés, des pêcheurs attendent sur le port un feu vert de l'armée pour reprendre la mer. "Quand il y a eu l'escalade, nous avons totalement arrêté de travailler et avons été menacés par les Israéliens", explique l'un d'entre eux, Madhi Istanbuli.
"Malgré l'ampleur des destructions et notre peine, on est heureux d'être rentrés", confie Oum Mohamed Bzeih, une veuve de 44 ans qui a retrouvé sa maison dévastée du village de Zebqine. "On se sent renaître."
Selon les autorités libanaises, au moins 3.823 personnes ont été tuées dans le pays depuis octobre 2023, la plupart depuis fin septembre de cette année. Du côté israélien, 82 militaires et 47 civils sont morts en 13 mois, selon les autorités.
A Nahariya, une ville côtière israélienne à portée de roquette du territoire libanais, Baha Arafat, un homme de 44 ans, exhalait aussi mercredi son soulagement. "Il n'y a pas d'abri dans le coin et ces derniers jours ont été tendus".
"Il y a un sentiment de plus grande sécurité, nos enfants peuvent retourner à l'école", se réjouit Youri, 43 ans, déplacé de son kibboutz Yiron, près de la frontière, à Haïfa.
Mais "nous ne nous sentons pas complètement rassurés", car "le Hezbollah a encore des forces", ajoute-t-il.
(V.Blanchet--LPdF)