Namibie: le vote reprend en partie sous les critiques de l'opposition
Les Namibiens ont saisi vendredi leur deuxième chance de voter après la prolongation partielle du scrutin jusqu'à samedi soir, deux jours après les incidents ayant empêché de nombreux électeurs de participer à ces élections indécises pour le parti historique au pouvoir.
Une tension inédite secoue la Namibie, d'ordinaire fière de sa tranquillité et de sa démocratie mise à mal dans ces élections dénoncées en bloc par les oppositions comme un "simulacre" après les interminables files de mercredi.
Certains Namibiens ont attendu mercredi jusqu'à douze heures pour voter aux scrutins présidentiel et législatifs, quand ils n'y ont pas renoncé. Ce qui fait peser une incertitude sur la reconnaissance des résultats par les oppositions qui discutent de la voie à suivre.
"Dans la plupart des régions, des électeurs ont abandonné les files d'attente en raison de leur lenteur causée par des pannes techniques répétées", a décrit vendredi le Centre africain pour la gouvernance, qui disposait de 38 observateurs en Namibie.
Les cas de surchauffe des tablettes électronique servant à vérifier les identités et les pénuries de bulletin dans des bureaux, ayant considérablement ralenti le vote vendredi, ont été soulignés par les missions d'observation de l'Union africaine (UA), de la Communauté de développement de l'Afrique australe et donc du Centre africain pour la gouvernance lors d'un point presse vendredi.
La confusion régnant mercredi quand la commission électorale a décidé "sans durée spécifiée" de prolonger le vote qui s'est poursuivi parfois toute la nuit, a été soulignée par l'Union africaine.
"La prolongation n'a pas été communiquée en temps utile aux électeurs et aux agents des bureaux", a relevé l'UA. "Certains bureaux ont fermé et commencé le dépouillement avant."
Devant le portail de l'hôtel où se déroulait le point presse, une trentaine de personnes ont manifesté avec des pancartes comme "les élections en Namibie ne sont ni libres ni équitables" ou "Virez l'ECN", à savoir la commission électorale.
"Nous condamnons le processus électoral, nous le rejetons", a déclaré à l'AFP le porte-parole de ce groupe, Ivan Skrywer, coordinateur du Mouvement populaire des sans-terre (LPM) en ajoutant qu'il n'avait "plus confiance dans les missions d'observation".
Le calendrier de la commission électorale prévoyait une annonce des résultats samedi initialement mais "évidemment, avec la prolongation, ce n'est plus possible", a-t-elle indiqué jeudi sans plus de détails
- 34 ans de règne de la Swapo -
Devant le seul bureau où le vote a été prolongé dans la région de la capitale Windhoek, une soixantaine de personnes attendaient avant même l'ouverture.
Aux premières positions, face à la gare de style colonial néerlandais, Kluivert Muuondjo est arrivé à 04H30 après avoir abandonné à 23H00 mercredi car il avait des examens le lendemain.
"Tout le monde va avoir l'opportunité de voter", se satisfait cet étudiant de 21 ans, prénommé en hommage au joueur de foot néerlandais.
Mais, les citoyens pouvant glisser leur bulletin dans n'importe quel bureau en Namibie, "tout le monde va encore affluer au même endroit", craint ce jeune électeur, à l'image de la population juvénile de ce pays où 42% des inscrits ont moins de 35 ans.
Après une nouvelle rencontre, les responsables de l'opposition doivent donner leur "position" commune vendredi matin, a indiqué Christine Aochamus, la secrétaire générale de la principale formation d'opposition, les Patriotes indépendants pour le changement (IPC).
Le chômage massif des jeunes, les inégalités béantes et le renouvellement des générations, ont érodé le soutien à la Swapo, parti à la tête de ce pays d'Afrique australe depuis l'indépendance en 1990
Sa candidate, Netumbo Nandi-Ndaitah, en position de devenir la première femme présidente du pays, pourrait être contrainte à un second tour inédit dans ce pays riche en uranium.
"Ne rouvrir qu'un seul bureau à Khomas (la province de la capitale, NDLR), est absurde", s'agace Ensley Engermund, qui a renoncé mercredi après avoir tenté sa chance à quatre différents endroits.
"Il n'y a que 1,5 millions d'électeurs inscrits et on se retrouve avec ce chaos ? C'était pour décourager les gens", affirme cet agent de sécurité de 49 ans. Un sentiment partagé par une frange de l'électorat qui manifeste de la défiance envers le parti au pouvoir depuis 34 ans.
(A.Renaud--LPdF)