La Colombie aux urnes pour un nouveau président, le candidat de gauche en favori
Les Colombiens ont commencé à voter dimanche matin pour se choisir un nouveau président, avec en leitmotiv le changement auquel aspire la grande majorité des Colombiens, et en favori un opposant, Gustavo Petro, qui pourrait devenir le premier président de gauche de l'histoire récente du pays.
Le président conservateur sortant Ivan Duque, qui ne peut pas se représenter, a inauguré le début officiel du vote en mettant son bulletin dans l'urne à Bogota.
"J'invite tous les Colombiens à voter avec enthousiasme et joie, à voter sans haine, sans préjugé, sans parti pris", a déclaré à cette occasion M. Duque, soulignant que son pays était "l'une des plus anciennes démocraties de cet hémisphère" et l'une des "plus solides".
Près de 39 millions d'électeurs sont attendus dans 12.000 bureaux de vote, où ils auront le choix entre six candidats.
- "Confiance" -
En tête des sondages, le sénateur de gauche Gustavo Petro, un ex-guérillero converti à la social-démocratie, économiste et ancien maire de Bogota, a su capitaliser sur la soif de "changement" dont il a fait son emblème.
Son accession à la magistrature suprême serait un séisme politique dans un pays où les conservateurs monopolisent le pouvoir depuis des décennies.
"Aujourd'hui, j'ai confiance en mon peuple. L'heure est à la confiance, à la coexistence et à la volonté de changement", a-t-il déclaré dimanche matin avant de voter.
"Soit nous restons sur ce que nous avons: la corruption, la violence et la faim. Soit nous changeons pour aller vers la paix, le progrès productif, et une démocratie avec de la transparence", a-t-il promis une nouvelle fois samedi.
C'est la troisième fois que M. Petro, 62 ans, participe à une présidentielle, avec cette fois-ci comme colistière pour la vice-présidence une Afro-colombienne, Francia Marquez, charismatique activiste au discours féministe et antiraciste, qui s'est déjà imposée comme l'un des phénomènes marquants de cette présidentielle.
En face, le candidat conservateur Federico Gutierrez, ancien maire de Medellin (deuxième ville du pays), se veut le défenseur des Colombiens "ordinaires", auxquels il promet "ordre et sécurité".
Du discours classique dénonçant l'épouvantail "communiste", "Fico", pour ses partisans, a lui aussi adopté ces derniers jours l'antienne du changement, se disant le candidat du "bon sens".
Tout au long de sa campagne, il a pris soin de se démarquer du président sortant et de la vieille droite colombienne, incarnée par le Centre démocratique, parti au pouvoir, aujourd'hui en pleine bérézina et dont le chef historique, l'ex-président Alvaro Uribe, est englué dans les démêlés judiciaires.
"Fico" est sérieusement talonné dans les sondages par le candidat indépendant Rodolfo Hernandez, entrepreneur millionnaire de 77 ans au discours populiste vilipendant la corruption, souvent qualifié de "Trump colombien" par la presse.
Les bureaux seront ouverts de 8H00 (13H00 GMT) à 16H00 locales (21H00 GMT). Les résultats de ce premier tour sont attendus dans la soirée. Un second tour est prévu le 19 juin au cas où Petro ne passerait pas la majorité des 50%.
- "Désinformation" -
Le scrutin se déroule dans un climat de vives tensions politiques, après quatre années sans grande réforme de fond marquées par la pandémie, une forte récession, des manifestations massives dans les villes et une aggravation de la violence des groupes armés dans les campagnes.
Le "paro" (grève) du printemps 2021, sévèrement réprimé par la police, a révélé l'ampleur des frustrations, en particulier chez les jeunes, face à la pauvreté, aux inégalités et à la corruption, un mal endémique du pays.
Dans les zones rurales, guérillas et groupes armés liés au narcotrafic ont accru leurs violences et leur emprise au sein des communautés, mettant à mal les quelques acquis de l'accord de paix signé en 2016 avec les FARC marxistes.
Très polarisée, la campagne a été notamment marquée par des menaces d'assassinat contre le favori et sa colistière afro-colombienne.
Après des incohérences dans le pré-comptage des législatives au détriment de son camp, Petro s'est déjà dit inquiet d'un "manque de garanties" pour ce dimanche, notamment autour du logiciel de comptage qui n'a pas pu être audité à temps malgré les instructions de la justice et du gouvernement.
Une pléthore d'observateurs internationaux surveilleront notamment le scrutin.
Le gouvernement a déployé 220.000 policiers et militaires supplémentaires dans tout le pays, soit au total 300.000 hommes qui seront en charge de sécuriser le vote, encadré par 690.000 assesseurs.
(H.Duplantier--LPdF)