Colombie/présidentielle: fin du vote pour le 1er tour, l'attente des résultats commence
Les Colombiens ont voté dimanche pour le premier tour de l'élection présidentielle, sous le sceau du changement et avec comme favori annoncé l'opposant Gustavo Petro, qui pourrait devenir le premier président de gauche de l'histoire récente du pays.
Débuté à 8H00 locales, le vote a été officiellement clôturé à 16H00 locales (21H00 GMT). Les résultats, donnés au fil de l'eau dans la foulée par le Registre national, institution en charge de l'organisation du scrutin, sont attendus dans la soirée.
Les opérations de vote se sont déroulées sans incident majeur, selon les autorités, qui avaient déployé près de 300.000 policiers et militaires sur tout le territoire, où les violences croissantes des groupes armés ces derniers mois auraient pu laisser présager plus d'incidents.
- "Normal partout" -
Dans la journée, le ministère de l'Intérieur a cependant fait état de près de 600 irrégularités signalées. "Situation normale partout", dans l'après-midi le ministre de la Défense, Diego Molano, rapportant "deux arrestations en lien avec des délits électoraux".
Sous la grisaille, le vote a commencé en douceur à Bogota, ouvert par le président conservateur sortant Ivan Duque (qui ne peut pas se représenter). Les électeurs se sont ensuite déplacés en nombre, à l'image des principaux candidats du scrutin, qui tous avaient voté à la mi-journée. La participation était cependant contrastée selon les bureaux, a constaté l'AFP.
Près de 39 millions d'électeurs étaient attendus dans 12.000 bureaux de vote, sous le regard de dizaines de milliers de militants mandatés par les deux principaux candidats, et d'une pléthore d'observateurs internationaux, notamment les missions de l'Union européenne et de l'Organisation des Etats américains.
En tête des sondages et grand favori, le sénateur de gauche Gustavo Petro, un ex-guérillero converti à la social-démocratie, économiste et ancien maire de Bogota, a voté en famille à Bogota.
"Il n'y a que deux alternatives: laisser les choses telles qu'elles sont, (...) ce qui signifie plus de corruption, de violence, de faim. Ou changer la Colombie et la conduire vers la paix, la prospérité et la démocratie", a-t-il déclaré peu après avoir glissé son bulletin dans l'urne.
De l'avis de tous les observateurs, Petro a su capitaliser sur la soif de "changement" dont ont soif les Colombiens et dont il a fait son emblème.
Son accession à la magistrature suprême serait un séisme politique dans un pays où les conservateurs monopolisent le pouvoir depuis des décennies.
C'est la troisième fois que M. Petro, 62 ans, participe à une présidentielle, avec cette fois-ci comme colistière pour la vice-présidence une Afro-colombienne, Francia Marquez, charismatique activiste au discours féministe et antiraciste. Celle-ci a voté, poing levé et robe à motifs africains, dans son village de la région de Cali (sud-ouest).
- Doutes sur le logiciel? -
En face, le candidat conservateur Federico Gutierrez a lui aussi voté en famille, sous les applaudissements à Medellin, deuxième ville du pays dont il a été le maire populaire de 2016 à 2019.
"Que chaque vote nous aide à construire un pays différent, sans faim, sans corruption, sans violence et avec beaucoup de progrès dans la lutte contre la pauvreté", a-t-il lancé, promettant "d'unir la Colombie".
"Fico", comme l'aiment à l'appeler ses partisans, se veut le défenseur des Colombiens "ordinaires", auxquels il promet "ordre et sécurité". Du discours classique dénonçant l'épouvantail "communiste", il a lui aussi adopté ces derniers jours l'antienne du changement, se disant le candidat du "bon sens", prenant bien soin de se démarquer de la vieille droite colombienne, aujourd'hui en pleine bérézina.
Le troisième dans l'ordre des sondages, l'indépendant Rodolfo Hernandez, entrepreneur millionnaire de 77 ans, souvent qualifié de "Trump colombien" a voté dans son fief de Bucaramanga (nord), disant qu'il allait ensuite "faire sa sieste", mais promettant quand même au passage "d'écrire une nouvelle page de l'histoire de la Colombie".
Un second tour est prévu le 19 juin dans le cas très vraisemblable où aucun des candidats ne passe la barre des 50%.
Le scrutin se déroule dans un climat de vives tensions politiques, après quatre années sans grande réforme de fond marquées par la pandémie, une forte récession, des manifestations massives dans les villes et une aggravation de la violence des groupes armés dans les campagnes.
Le "paro" (grève) du printemps 2021, sévèrement réprimé par la police, a révélé l'ampleur des frustrations, en particulier chez les jeunes, face à la pauvreté, aux inégalités et à la corruption, mal endémique du pays.
Dans les zones rurales, guérillas et groupes armés liés au narcotrafic ont accru leurs violences et leur emprise au sein des communautés, mettant à mal les quelques acquis de l'accord de paix signé en 2016 avec les FARC marxistes.
(R.Dupont--LPdF)