Ukraine: combats au centre de Severodonetsk, Zelensky s'adresse aux dirigeants européens
Forces russes et ukrainiennes s'affrontaient lundi au coeur de Severodonetsk, selon le gouverneur de cette région de l'est de l'Ukraine, alors que le président Volodymyr Zelensky devrait s'adresser aux dirigeants européens réunis à Bruxelles pour discuter notamment d'un nouveau paquet de sanctions contre la Russie.
Severodonetsk et la cité voisine de Lyssytchansk sont des villes-clé du Donbass encore sous contrôle ukrainien. Les forces russes visent à contrôler intégralement ce bassin minier, dont des forces séparatistes prorusses appuyées par Moscou ont pris le contrôle partiel en 2014.
Les forces russes tentent d'encercler cette agglomération et d'en prendre le contrôle depuis plusieurs semaines, dans une offensive qui s'est intensifiée ces derniers jours, face à laquelle le président Zelensky a reconnu que l'armée ukrainienne était en difficulté.
"Les Russes avancent vers le milieu de Severodonetsk. Les combats se poursuivent, la situation est très difficile", a indiqué sur Telegram Serguiï Gaïdaï, gouverneur de la région de Lougansk.
Il a ajouté que la route reliant Severodonetsk à Lyssytchansk, puis à celle de Bakhmout plus au sud, était trop "dangereuse" pour permettre l'évacuation des civils et le transport d'aide humanitaire.
- Contre-offensive ukrainienne dans le sud -
Les forces ukrainiennes ont affirmé néanmoins regagner du terrain dans le sud, notamment dans la région autour de Kherson, ville proche de la Crimée passée sous contrôle russe dès le début de la guerre en mars.
Dans son point de situation publié dans la nuit de dimanche à lundi, l'armée ukrainienne affirme notamment progresser près de Biloguirka, à une centaine de kilomètres au nord de Kherson.
Kiev a également affirmé que les forces russes construisaient des "lignes défensives" autour de Kherson et avaient fait venir des forces spéciales dans la ville voisine de Mykolaïv, pour "récupérer du terrain perdu".
"Kherson, tiens bon, nous sommes proches!", a affirmé l'état-major ukrainien sur sa page Facebook.
Moscou n'a pas confirmé ces informations. Mais elle a évoqué des combats dans cette région, en indiquant avoir détruit des équipements militaires ukrainiens avec des tirs d'artillerie sur un chantier naval de Mykolaïv, et détruit en vol des roquettes ukrainiennes près de Tchornobaïvka, à une quinzaine de kilomètres au nord-ouest de Kherson.
A Melitopol, autre ville du sud ukrainien occupée par les Russes, dans la région de Zaporijjia, l'administration prorusse a rapporté qu'une voiture piégée avait explosé lundi matin, faisant deux blessés.
"C'est un acte terroriste cynique du régime de Kiev, un acte destiné à effrayer les habitants de notre ville, un acte dirigé contre les civils", a accusé Galina Daniltchenko, la nouvelle maire de la cité installée par Moscou, citée par l'agence russe Ria Novosti.
"Le régime de Kiev ne peut se faire à l'idée que les habitants de Melitopol ne veulent plus avoir à faire avec ce pouvoir de Kiev", a-t-elle affirmé.
- Embargo pétrolier au menu de l'UE -
Dans ce contexte, le président ukrainien doit s'adresser lundi après-midi en visioconférence aux dirigeants européens réunis en sommet à Bruxelles. De nouvelles sanctions contre Moscou sont au menu de cette réunion des Vingt-Sept.
Ils devraient notamment rediscuter du projet d'embargo progressif sur le pétrole russe, jusqu'ici bloqué par la Hongrie. Ils devraient examiner une nouvelle proposition qui exclurait temporairement le pétrole acheminé via l'oléoduc Droujba, qui approvisionne notamment la Hongrie, la Slovaquie et la République tchèque, a-t-on indiqué dans l'entourage de la Commission européenne.
La Hongrie, pays enclavé sans accès à la mer, qui dépend pour 65% de sa consommation du pétrole acheminé de Russie par Droujba, avait rejeté une première offre d'une dérogation de deux ans. Budapest a réclamé au moins quatre ans et près de 800 millions d'euros en financements européens pour adapter ses raffineries.
"J'espère que nous pourrons arriver à un accord demain, mais je ne suis pas certain, cela dépendra des dirigeants eux-mêmes", a estimé dimanche un diplomate européen. L'adoption des sanctions requiert l'unanimité des Vingt-Sept.
Outre l'embargo pétrolier, le sixième paquet de sanctions préparé par l'UE vise l'exclusion de la plus importante banque russe, Sberkank (37% du marché), et de deux autres établissements bancaires du système financier international Swift, ainsi qu'un élargissement de la liste noire de l'UE à une soixantaine de personnalités.
Les dirigeants doivent aussi discuter de la nécessité d'assurer des liquidités à l'Ukraine pour continuer à faire fonctionner son économie -- la Commission a proposé une aide allant jusqu'à 9 milliards d'euros en 2022 -- ainsi que de la sécurité alimentaire, en raison notamment du blocage des exportations de céréales ukrainiennes, alors que le continent africain redoute une crise.
- Médiation au point mort
Plus de trois mois après le début de l'invasion russe, les tentatives de médiation entre Moscou et Kiev sont au point mort.
Ce week-end encore le président français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Olaf Scholz ont eu un entretien téléphonique avec le président russe Vladimir Poutine, l'enjoignant d'entamer des "négociations directes sérieuses" avec Kiev.
Dans ce contexte, la nouvelle ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, s'est rendue lundi en Ukraine, première visite d'un responsable français de ce niveau depuis le début du conflit.
Elle a entamé sa journée par une visite à Boutcha, dans la banlieue de Kiev, ville symbole des massacres de civils dont les troupes russes sont accusées par les autorités ukrainiennes.
"Cela ne devrait pas arriver, il ne faut pas que ça recommence", a-t-elle déclaré après s'être rendue dans une église orthodoxe où étaient exposées des photos des exactions.
"La France est à leurs côtés (des Ukrainiens) avec ses amis, ses alliés, elle va faire tout son possible pour que la paix revienne", a-t-elle affirmé.
- Vers un renforcement de l'Otan -
Les Occidentaux continuent par ailleurs à revoir leurs politiques de défense face à la menace russe.
Le chef adjoint de l'Otan, Mircea Geoana, a estimé dimanche que l'Alliance n'était plus tenue par ses anciens engagements envers Moscou de ne pas déployer ses forces en Europe orientale.
Dans l'Acte fondateur sur les relations entre l'Otan et la Russie, signé il y a 25 ans, les Russes s'étaient "engagés à ne pas agresser les voisins, c'est ce qu'ils sont en train de faire, et à tenir des consultations régulières avec l'Otan, ce qu'ils ne font pas", déclaré M. Geoana.
Selon lui, l'Acte fondateur "ne fonctionne simplement pas, à cause de la Russie", et l'Otan n'a désormais plus "aucune restriction" pour se doter d'une "posture robuste sur le flanc est".
Et en Allemagne, gouvernement et opposition conservatrice ont trouvé dimanche soir un accord pour faire une entorse aux règles budgétaires imposées par la constitution, afin de débloquer 100 milliards d'euros pour moderniser l'armée.
burx-cat/pop/jg
(Y.Rousseau--LPdF)