Foot: attaquée par les Britanniques, la France renvoie la balle; l'UEFA ouvre une enquête
Une défense inchangée: pointées du doigt par les Britanniques après la finale de la Ligue des champions au Stade de France, les autorités françaises ont renvoyé lundi outre-Manche la responsabilité du fiasco, mettant de nouveau en cause une "fraude massive aux faux billets" des supporters de Liverpool.
L'UEFA, l'instance européenne du football, a de son côté annoncé dans la soirée qu'elle allait commander un "rapport indépendant sur les événements autour de la finale de la Ligue des champions" confié à une personnalité indépendante, l'ancien ministre portugais de la Jeunesse et des Sports, Tiago Brandão Rodrigues, qui "portera sur les processus décisionnels, les responsabilités et les comportements de toutes les entités qui ont participé à l'organisation de cette finale".
"Des preuves seront réunies auprès de toutes les parties prenantes concernées et les conclusions de ce rapport indépendant seront rendues publiques au terme de ce processus", a ajouté l’UEFA, qui étudiera ensuite "les prochaines étapes".
Deux jours après les scènes de chaos qui ont fait le tour du monde, des témoignages affluent, permettant de cerner les raisons qui ont conduit à retarder de 36 minutes le coup d'envoi d'un des principaux événements sportifs de la planète, ce match remporté samedi par le Real Madrid face à Liverpool (1-0).
Bousculades, tentatives d'intrusion d'individus sans billet, supporters - dont des enfants - sous le choc d'une intervention des forces de l'ordre ou victimes de vols, "c'était absolument horrible" autour du Stade de France samedi, selon le député britannique Ian Byrne, présent samedi soir sur place.
"Traiter les supporters comme des animaux lors du plus grand match européen de l'année, comme ils l'ont fait, est impardonnable", a-t-il déclaré au micro de la chaîne de télévision Sky News, mettant en cause "un maintien de l'ordre lamentable, des stewards lamentables, une mauvaise gestion autour du stade, des portes d'accès au stade fermées".
Ces propos font écho à ceux des autorités britanniques, Downing Street se disant "extrêmement déçu de la manière dont ont été traités" les supporters de Liverpool et jugeant les images du Stade de France "profondément troublantes et préoccupantes".
"Certains (supporters) ont fait la queue pendant 3h30", a raconté le député Ian Byrne, quand d'autres n'ont pu entrer dans l'enceinte que bien après le coup d'envoi, selon les nombreux témoignages sur les réseaux sociaux.
D'autres, encore, n'ont pas pu franchir les portes de l'enceinte de 79.000 places.
Des supporters de Madrid ont également raconté avoir vécu une soirée cauchemardesque, à l'image d'Enrique Cazorla, "socio" du Real Madrid depuis 1987. Il a raconté au quotidien El Mundo avoir été pris pour cible par des voleurs à l'arrachée. "Ce sont les gendarmes qui nous ont lancé du gaz poivré et des balles en caoutchouc", a également raconté cet homme qui, dit-il, en était à sa cinquième finale de C1. "On est descendus dans le métro mais c'était déjà devenu une souricière. Trouver un taxi ? Ils nous ont demandé 300 euros pour nous sortir de là."
- "La fraude vient d'outre-Manche" -
Comment la fête attendue du football européen a-t-elle été gâchée et aurait pu virer au drame alors que près de 7.000 policiers, gendarmes et pompiers étaient mobilisés, sans compter les vigiles privés ? Pourquoi le système de pré-filtrage, à 200 mètres du stade, a-t-il été vite débordé face à l'afflux de supporters de Liverpool et a créé des goulets d'étranglement ? Comment des bandes de jeunes se sont-elles retrouvées en position de s'introduire de force dans l'enceinte ?
Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a campé lundi sur la position défendue par les autorités françaises dès samedi soir, celle d'une "fraude massive, industrielle et organisée de faux billets" créant le désordre, a dit le ministre.
"30.000 à 40.000 supporters anglais se sont retrouvés au Stade de France, soit sans billet, soit avec des billets falsifiés", a-t-il développé devant la presse à l'issue d'une réunion interministérielle organisée sur les dysfonctionnements de cette soirée.
Cette situation a, selon les autorités, contribué à gonfler sensiblement la foule qui se pressait aux portes du Stade de France et provoqué une situation de thrombose à l'entrée, entraînant de gigantesques et interminables files d'attente.
Ce signalement a donné lieu à l'ouverture d'une enquête, confiée à la brigade de la répression de la délinquance astucieuse de la préfecture de police de Paris, a rapporté en fin d'après-midi à l'AFP le parquet de Bobigny.
Par ailleurs, 15 gardes à vues étaient toujours en cours lundi en lien avec les événements de samedi, a indiqué le parquet, précisant qu'il y avait eu "un nombre important de plaintes contre X pour des vols, des vols à l'arrachée, voire avec violences" aux alentours du Stade de France samedi.
Mercredi, le ministère de l'Intérieur organisera une réunion avec les services compétents sur le thème de la délinquance autour des stades.
- Les JO en ligne de mire -
Gérald Darmanin a estimé qu'"il y aurait eu des morts" sans les décisions prises par la police et le préfet Didier Lallement, dont les méthodes de maintien de l'ordre font l'objet de nombreuses critiques. M. Darmanin lui a apporté "tout son soutien".
La ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castera, qui affronte sa première crise tout juste nommée, a elle souhaité "tirer toutes les leçons pour éviter que de tels incidents se reproduisent pour nos futurs grands événements sportifs internationaux".
Se profilent en effet dans moins d'un an et demi la Coupe du monde de rugby (septembre-octobre 2023), puis les Jeux olympiques et paralympiques de Paris à l'été 2024. Le Stade de France en sera l'un des centres névralgiques.
"On a vu que nous devions nous améliorer, a fortiori dans des matches à risque, sur certains aspects de la gestion des flux au sortir des transports sur des zones de premier filtrage, de second filtrage", a reconnu la ministre lors d'une conférence de presse.
Elle a également jugé qu'un "chantier" attendait les autorités en matière de "systématisation de la billetterie électronique et pour faire en sorte aussi que nous ayons des moyens de prévenir les fraudes à cette billetterie".
"La ministre des Sports a demandé que l'on étudie que dans toute compétition qui puisse se dérouler sur le territoire national désormais les billets soient infalsifiables, c'est-à-dire totalement numériques", a abondé dans la soirée Gérald Darmanin, qui était invité du 20-Heures de TF1.
Par ailleurs, M. Darmanin et Mme Oudéa-Castera seront auditionnés mercredi à 16h30 par le Sénat sur les incidents de samedi.
(L.Chastain--LPdF)