Ukraine: Macron, Scholz et Draghi en visite inédite à Kiev, avant une décision cruciale de l'UE
Emmanuel Macron, Olaf Scholz et Mario Draghi sont arrivés jeudi à Kiev, une première pour les trois dirigeants européens depuis le début de l'invasion russe de l'Ukraine, alors que l'Union européenne doit décider la semaine prochaine si elle accorde à l'Ukraine le statut officiel de candidat à l'Union européenne.
Arrivé en gare de Kiev après près de dix heures de train depuis le sud-est de la Pologne, le président français, qui assume jusqu'au 30 juin la présidence tournante de l'Union européenne, a déclaré sur le quai que les dirigeants étaient venus adresser "un message d'unité européenne" et de "soutien" à Kiev "à la fois pour le présent et pour l'avenir".
Le chancelier allemand Olaf Scholz a lui indiqué que la visite visait "non seulement à manifester notre solidarité" mais aussi à "assurer que l'aide que nous organisons, financière, humanitaire, mais aussi lorsqu'il s'agit d'armes, se poursuivra (...) aussi longtemps qu'il le faudra pour la lutte pour l'indépendance de l'Ukraine", dans un entretien au quotidien Bild publié à son arrivée à Kiev.
Comme d'autres dirigeants européens venus à Kiev avant eux, le trio - rejoint par le président roumain Klaus Iohannis, arrivé séparément - devait se rendre dans la matinée "sur un site de guerre où des massacres ont été commis", selon le président français.
Des centaines de civils ont été tués dans les villes d'Irpin, Boutcha et Borodianka, pendant l'occupation russe de la banlieue de Kiev en mars. Des enquêtes internationales sont en cours pour déterminer les coupables sur ces crimes de guerre dont les Ukrainiens accusent les forces russes.
Si Kiev a repris vie depuis le retrait russe de la région, elle est encore occasionnellement frappée par des tirs russes. Les sirènes d'alerte y retentissent régulièrement, comme cela a été le cas peu après l'arrivée des dirigeants européens.
- "Signaux politiques clairs" -
Ces derniers devaient ensuite avoir des entretiens avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, où la question d'une adhésion de l'Ukraine à l'UE devrait être centrale. M. Zelensky martèle que son pays, en défendant "les valeurs" de l'Europpe face à l'agression russe, a gagné le droit de rejoindre l'Union européenne, que l'UE refusait d'envisager avant le début de l'invasion russe.
Les Vingt-Sept doivent d'abord décider, lors d'un sommet les 23-24 juin, s'ils accordent dans un premier temps à l'Ukraine le statut officiel de candidat à une adhésion, début d'un processus de négociations qui peut durer des années. La Commission européenne doit faire connaître sa recommandation vendredi.
Emmanuel Macron a souligné mercredi, depuis la Roumanie voisine, la nécessité d'envoyer des "signaux politiques clairs" aux Ukrainiens dans une "situation géopolitique inédite".
Parmi les 27, les pays d'Europe de l'Est appuient cette candidature, mais d'autres comme le Danemark ou les Pays-Bas ont exprimé des réserves. Toute décision nécessite l'unanimité.
L'Ukraine pourrait obtenir un statut de candidat sous conditions ou assorti d'une date pour l'ouverture des négociations, selon certains experts.
La France se dit "ouverte" à cette candidature, mais propose la création d'une Communauté politique européenne qui permettrait d'ancrer plus vite l'Ukraine à l'Europe, en l'associant à des projets concrets de défense, d'énergie ou d'infrastructures, sans attendre une adhésion.
L'Ukraine est restée très réservée jusqu'ici sur cette proposition, craignant que son aspiration à entrer dans l'UE ne soit renvoyée sinon aux calendes grecques.
Le président ukrainien devrait également réitérer sa demande d'accélération de livraisons d'armes lourdes, indispensables pour repousser l'envahisseur russe, selon lui.
"L'Ukraine doit obtenir tout ce qui est nécessaire pour remporter la victoire", a-t-il insisté mercredi devant les députés tchèques.
- Nouvelle aide militaire américaine -
La visite intervient alors que les forces ukrainiennes sont en difficulté dans le Donbass, région de l'est de l'Ukraine partiellement contrôlée par des séparatistes pro-russes depuis 2014 et que Moscou s'est fixé" pour objectif de contrôler en totalité.
Les Etats-Unis ont annoncé mercredi une nouvelle tranche d'aide militaire à l'Ukraine d'un milliard de dollars, qui comprend notamment des pièces d'artillerie et des obus supplémentaires.
"Je veux dire ma gratitude pour ce soutien, il est particulièrement important pour notre défense dans le Donbass", a réagi M. Zelensky dans son message vidéo quotidien.
Le chef du Pentagone Lloyd Austin avait aussi appelé mercredi ses alliés à "intensifier" les livraisons d'armes aux Ukrainiens.
"L'Ukraine est confrontée à un moment charnière sur le champ de bataille", a-t-il déclaré lors d'une réunion au siège de l'Otan à Bruxelles des pays du "groupe de contact" créé par les Etats-Unis pour aider l'Ukraine, en présence du ministre ukrainien de la défense. "Nous devons donc intensifier notre engagement commun" et "redoubler d'efforts pour qu'elle puisse se défendre", a-t-il ajouté.
M. Zelensky s'est aussi entretenu avec le Premier ministre britannique Boris Johnson, lequel a assuré sur Twitter soutenir l'Ukraine "jusqu'à la victoire finale".
Les combats se concentrent depuis plusieurs semaines sur Severodonetsk et Lyssytchansk, deux villes voisines clé pour le contrôle du Donbass, soumises à des bombardements constants et dont la plupart des infrastructures n'existent plus.
Les autorités ukrainiennes ont reconnu ces derniers jours que leurs troupes avaient été chassées du centre-ville de Severodonetsk, et ne plus disposer que de "voies de communication compliquées" avec elles après la destruction de tous les ponts vers Lyssytchansk.
Les forces ukrainiennes sont notamment retranchées dans l'usine chimique Azot, emblématique de cette ville comptant avant la guerre quelque 100.000 habitants, avec plus de 500 civils à l'intérieur, selon le maire de Severodonetsk Oleksandre Striouk.
Moscou a proposé mardi un "couloir humanitaire" qui permettrait d'évacuer ces civils vers des territoires contrôlés par les Russes, avant d'accuser Kiev mercredi d'avoir "fait échouer" l'opération.
Au total, quelque 10.000 civils sont encore présents à Severodonetsk, a indiqué jeudi Serguiï Gaïdaï, le gouverneur de la région de Lougansk.
"Depuis bientôt quatre mois, ils (les Russes) rêvent de contrôler Severodonetsk où, sur 100.000 habitants, environ 10.000 sont toujours là, sans compter les victimes", a-t-il indiqué sur la messagerie Telegram.
Selon lui, "l'armée russe perd des centaines de combattants, mais trouve des réserves et continue de détruire Severodonetsk". Mais "nos militaires tiennent la défense", a-t-il affirmé.
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(R.Lavigne--LPdF)