Londres autorise l'extradition aux Etats-Unis d'Assange, qui fera appel
C'est un "jour sombre" pour ses soutiens mais "pas la fin du chemin": le gouvernement britannique a annoncé vendredi avoir signé le décret d'extradition vers les Etats-Unis du fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, qui va faire appel.
L'Australien de 50 ans est poursuivi aux Etats-Unis pour une fuite massive de documents confidentiels.
Après un long bras de fer judiciaire à rebondissements, la justice britannique avait formellement donné son feu vert le 20 avril à sa remise à la justice américaine, mais il revenait à la ministre britannique de l'Intérieur Priti Patel de signer un décret d'extradition, ce qu'elle a fait vendredi.
"Nous ne sommes pas au bout du chemin. Nous allons nous battre. Nous allons utiliser toutes les voies de recours", a réagi Stella Assange, l'épouse de l'Australien, lors d'une conférence de presse.
Visiblement émue, elle a expliqué que son époux avait appris la nouvelle vendredi matin. "Son instinct est de se battre et le mien aussi", a-t-elle dit.
A ses côtés, l'avocate Jennifer Robinson, qui défend Julian Assange, a confirmé qu'il ferait appel devant la justice britannique dans les 14 jours impartis "et si nécessaire devant la Cour européenne des droits de l'Homme".
"Nous continuons d'appeler l'administration Biden à abandonner cette affaire en raison de la grave menace qu'elle représente pour la liberté d'expression partout dans le monde et aux Etats-Unis. Et nous continuons d'appeler le gouvernement australien à agir et à protéger ce citoyen australien qui est en danger", a ajouté Me Robinson.
Le ministère de l'Intérieur britannique a validé l'extradition de en estimant que celle-ci n'était pas "incompatible avec ses droits humains, y compris son droit à un procès équitable et à la liberté d'expression", a expliqué un porte-parole du ministère. Il a ajouté qu'aux Etats-Unis, l'Australien serait "traité de manière appropriée, y compris en ce qui concerne sa santé".
Des organisations de défense de la liberté de la presse, dont Reporters sans frontières et Amnesty international, s'opposent à cette extradition, craignant que malgré les assurances des autorités américaines, Julian Assange soit soumis à des conditions d'isolement en prison qui aggraveraient un risque de suicide.
Pour Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnesty International, l'extradition de Julian Assange risque de le mettre "en grand danger et enverrait un message effrayant aux journalistes du monde entier".
- Bataille juridique -
WikiLeaks a dénoncé "un jour sombre pour la liberté de la presse" et précisé que Julian Assange ferait appel devant la Haute Cour.
Il est réclamé par la justice américaine qui veut le juger pour la diffusion, à partir de 2010, de plus de 700.000 documents classifiés sur les activités militaires et diplomatiques américaines, en particulier en Irak et en Afghanistan. Il risque 175 ans de prison.
M. Assange est détenu depuis trois ans à la prison de haute sécurité de Belmarsh, près de Londres, où il a épousé en mars Stella Moris.
Ils ont deux petits garçons, conçus lorsque Julian Assange vivait à l'ambassade d'Equateur à Londres. Le fondateur de WikiLeaks a passé sept ans dans cette ambassade où il s'était réfugié en 2012, alors qu'il était en liberté sous caution.
Il craignait alors une extradition vers les Etats-Unis, ou bien la Suède où il faisait l'objet de poursuites pour viol depuis abandonnées.
Il avait finalement été arrêté par la police britannique en avril 2019 et emprisonné.
Son épouse, une avocate sud-africaine d'une trentaine d'années, dénonce une "affaire politique".
Mais pour elle comme pour les soutiens de l'Australien, ce "n'est pas la fin du combat. Ce n'est que le début d'une nouvelle bataille juridique".
Si l'autorisation de faire appel est accordée, l'audience pourrait ne pas avoir lieu avant début 2023, a expliqué à l'agence PA Kate Goold, associée du cabinet d'avocats Bindmans et spécialisée dans les affaires d'extradition.
Même si l'appel est refusé, l'extradition pourrait être retardée pour des raisons de santé si Julian Assange "est trop malade, par exemple, s'il n'est en état de prendre l'avion".
M. Assange "a également la possibilité de faire appel de la décision d'extrader pour des motifs liés aux droits de l'homme" a-t-elle avancé.
S'il saisit la Cour européenne des droits de l'homme, le processus est susceptible de prendre plusieurs années.
(R.Lavigne--LPdF)