Le Pays De France - Il faut sauver le soldat vegan

Paris -
Il faut sauver le soldat vegan
Il faut sauver le soldat vegan / Photo: © AFP

Il faut sauver le soldat vegan

Oleksandr Zhuhan n'a pas cédé. Engagé dans l'armée pour défendre son pays contre l'invasion russe, cet Ukrainien de 37 ans conserve un régime strictement vegan même sur le front.

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"Au début, c'était très compliqué", explique cet homme brun âgé de 37 ans, enrôlé dans la région de Mikolaïv (sud), qui ne mange aucun aliment d'origine animale.

À cause des carences, "les gens me disaient que je ne tiendrais pas" car un menu spécial n'est pas prévu, dit-il en souriant, fusil à l'épaule, derrière le baraquement de la position depuis laquelle il répond aux questions de l'AFP par visioconférence.

À aucun moment, il ne s'est dit que ses convictions l'empêcheraient de servir son pays et il a fini par trouver sur internet un réseau de militants venant en aide aux soldats qui, comme lui, se nourrissent exclusivement de produits végétaux.

"Je leur ai écrit et, en avril, le premier paquet est arrivé comme par miracle", énonce ce professeur d'art dramatique qui a décidé de signer avec l'armée dès le lendemain de l'invasion russe de l'Ukraine, l'hiver dernier.

"Il y avait du pâté et des saucisses vegan, du houmous, du lait de soja etc. Et tout cela, gratuitement", précise-t-il avec enthousiasme.

- "Livraison sous les bombes" -

Son ange gardien s'appelle Tamara Human. A Kiev, cette ancienne top modèle est à la tête de "Every animal", une association regroupant une centaine de personnes et promouvant le véganisme.

Ce mode de vie allie une alimentation exclusivement végétalienne et le refus de consommer tout vêtement ou produit cosmétique issu des animaux ou de leur exploitation.

"On livre même sous les bombes", confirme-t-elle à l'AFP, tout en préparant, avec deux autres bénévoles, du boulgour et des boulettes pour la population civile.

Au treizième étage d'un immeuble résidentiel du quartier verdoyant de Rusanivka, son appartement est devenu le centre logistique d'une chaîne de solidarité hors du commun.

Le chien Mysha y a toute sa place. Il y a même un rat beige rescapé d'un labo qui porte le surnom de "Pizdyuk" ("petit con"), car lui n'est pas contre un peu de viande... et mordrait volontiers les doigts des imprudents.

Patriotisme économique oblige, la plupart des aliments utilisés par les équipes de Tamara Human sont d'origine ukrainienne et proviennent surtout de Lviv, à l'ouest, la ville où ils sont les plus faciles à trouver.

Désormais, huit localités sont impliquées dans cette chaîne de solidarité qui aide environ 200 soldats à concilier leurs convictions avec l'appel du drapeau.

"Les paquets que nous leur envoyons leur permettent de compléter pendant deux ou trois semaines ce qu'ils reçoivent de l'armée pour avoir une alimentation équilibrée", explique cette militante engagée de longue date dans la protection animale.

Elle ne voit aucune contradiction entre véganisme et engagement militaire.

"Je voulais, moi aussi, aller tuer des Russes, mais je ne sais pas me servir d'une arme, alors je suis plus utile ici qu'en treillis", lance-t-elle sous de vieilles couvertures du magasine Vogue, accrochées au mur.

(A.Renaud--LPdF)