Premier revers pour le gouvernement à l'Assemblée sur le projet de loi sanitaire
Séance chaotique, texte tronqué. Le gouvernement, privé de majorité absolue au Parlement, a subi un premier revers à l'Assemblée dans la nuit de mardi à mercredi sur le projet de loi sanitaire, adopté amputé d'un article clé sur le possible retour d'un pass sanitaire pour les entrées dans l'Hexagone.
"L'heure est grave", a estimé la Première ministre Elisabeth Borne dans la nuit. "En s'alliant pour voter contre les mesures de protection des Français face au Covid LFI, les LR et le RN empêchent tout contrôle aux frontières face au virus", a-t-elle dénoncé dans la nuit sur Twitter.
"Si elle veut compter sur le Sénat, elle doit aussi recevoir les présidents de groupe du Sénat. Pour l'instant elle les a ignorés", lui a répondu mercredi matin sur France 2 le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau.
"Le Parlement a fait son boulot, l'opposition a fait son travail", a réagi sur Franceinfo le député RN Sébastien Chenu, se réjouissant que le texte ait été "désossé".
"L'heure est simplement à la démocratie avec laquelle vous avez décidément un sérieux problème madame la Première ministre ! Remerciez plutôt la droite qui, à la fin, vote votre texte qui ne prévoit rien pour renforcer notre système de santé mais juste des mesures liberticides !", lui a répondu sur Twitter le coordinateur de LFI Adrien Quatennens.
- "Match de football" -
Le texte examiné en première lecture au Palais Bourbon a été adopté par 221 voix contre 187 et 24 abstentions lors du vote final dans la nuit de mardi à mercredi. Il doit maintenant aller au Sénat.
Le ministre de la Santé François Braun a conclu laconiquement "prendre acte" des discussions jalonnées de multiples tractations et suspensions de séance. Il a assuré qu'il s'emploierait à rétablir ce texte dans son intégralité lors de la suite du parcours législatif.
"Des débats longs, fastidieux, instructifs sur la réalité des équilibres politiques et des forces dans cet hémicycle", a résumé Raphaël Schellenberger (LR) en fin de séance.
Rémy Rebeyrotte (Renaissance, Ex-LREM), a déploré une "ambiance de match de football" dans l'hémicycle, alors que la France vient de passer la barre des 150.000 morts du Covid.
Les débats entamés lundi et qui avaient repris mardi en fin d'après-midi, ont été émaillés de tensions, de chahuts et de renversements imprévus de majorité au gré des articles et des amendements.
Ce premier texte de la législature a ainsi traduit la difficulté de manoeuvrer pour le gouvernement et la majorité relative dont il dispose.
Dans l'opposition, les multiples votes sur les articles et amendements ont montré une hostilité résolue du RN et de la plupart des groupes de gauche (LFI, communistes, écolos).
Mais les socialistes ont souvent été absents de l'hémicycle ou se sont réfugiés dans l'abstention, les LR se montrant quant à eux parfois divisés.
- Inflexions -
Le projet de loi entérine l'expiration au 1er août du cadre "exorbitant du droit commun" de l'état d'urgence sanitaire et du régime de gestion de la crise mis en place fin mai 2021.
C'est "l'extinction du régime juridique de l'état d'urgence sanitaire" et du "pass sanitaire et vaccinal dans la vie quotidienne des Français", avait souligné lundi François Braun.
Mais l'article 2 de ce projet de loi de "veille et de sécurité sanitaire" a été rejeté en fin de soirée par 219 voix contre 195, grâce à une conjonction de votes du RN, de LR et d'une majorité de l'alliance de gauche Nupes.
Cet article prévoyait la possibilité, si nécessaire, de rétablir le pass sanitaire pour les voyages "extra-hexagonaux", depuis ou vers l'étranger. Une disposition permettant d'exiger ce pass pour les voyageurs mineurs avait un peu avant été rejetée.
Soucieux de ménager une partie des oppositions, le gouvernement et sa majorité avaient pourtant fait droit à quelques inflexions réclamées sur les bancs LR et socialistes concernant les outremers.
Le travail préalable en commission avait également vu le gouvernement se rallier à une échéance au 31 janvier pour les mesures du projet de loi, au lieu du 31 mars prévu dans la version originelle.
Le texte est de fait désormais réduit pour l'essentiel à son article 1, qui permet, en raison d'une situation épidémique toujours fragile, de continuer à collecter des données de santé sur les tests de dépistage (dispositif SI-DEP).
Deux autres articles restants, sur les modalités d'un suivi parlementaire, ont été fusionnés en un seul.
Les élus RN, LR et de gauche ont tout au long des débats multiplié les attaques contre le refus du gouvernement de réintégrer les soignants suspendus en raison d'un refus de se faire vacciner.
(R.Lavigne--LPdF)