Droits TV: le foot français choisit CVC pour sa société commerciale
Le football français a fait un grand pas vers la création de sa société commerciale en entrant vendredi "en négociations exclusives" avec le fonds d'investissement CVC, qui promet de lever 1,5 milliard d'euros en acquérant 13% du capital, une opération jugée vitale par les clubs.
Après la Liga espagnole et la Serie A italienne, qui ont annoncé des accords similaires ces derniers mois avec le même actionnaire, la Ligue 1 française a choisi CVC Capital Partners, mastodonte mondial de l'investissement dans le sport, pour l'accompagner à l'avenir dans ses activités commerciales.
Cette opération, actée vendredi à l'unanimité du Conseil d'administration de la Ligue de football professionnel (LFP), lui permettra de valoriser sa future société commerciale "à 11,5 milliards d'euros", indique-t-elle dans un communiqué, promettant un accord définitif "dans les prochaines semaines".
Le football français, sévèrement touché par la défaillance fin 2020 de son diffuseur Mediapro et par la crise sanitaire (arrêt des compétitions au printemps 2020, stades à huis clos la saison suivante...), compte sur cet actionnaire aux reins solides et à l'expertise reconnue pour rentabiliser la vente de ses droits audiovisuels, notamment à l'étranger, un domaine où le Championnat de France est très en retard par rapport à ses voisins européens.
L'opération aura aussi l'avantage de fournir au foot français une manne immédiate d'argent frais, bienvenue après de multiples emprunts réalisés à l'échelle des clubs ou de la Ligue ces deux dernières années, avec encore 600 millions d'euros de pertes nettes redoutées cette saison.
- Cadre législatif -
Depuis le vote au Parlement de la loi sport, le 24 février à la toute fin de la législature, la LFP dispose d'un cadre législatif adapté à son projet, qu'elle souhaite mettre sur pied rapidement, en vue de la saison prochaine.
Elle a ainsi pu accélérer le processus de désignation de son futur partenaire en enregistrant d'abord quatre offres définitives (CVC, Hellman&Friedman, Oaktree et Silver Lake), le 9 mars, avant d'entrer, moins de dix jours plus tard, en négociations exclusives avec CVC. La proposition de ce dernier s'est détachée sur tous les critères, convaincant le CA de la LFP d'écarter dès vendredi les autres offres, selon une source au coeur des discussions.
Les représentants du fonds se présenteront en milieu de semaine prochaine à la Fédération (FFF) et à un panel de présidents de clubs, précise-t-on de même source.
Les instances boucleront en parallèle les derniers détails de l'accord en établissant un échéancier précis pour la levée des fonds et un modèle de gouvernance; et des négociations s'ouvriront entre les clubs pour décider d'une clé de répartition, qui pourrait distinguer la locomotive du championnat (le Paris SG), une poignée d'équipes majeures, et le reste des clubs.
De son côté, l'actionnaire minoritaire se remboursera sur les recettes futures, mais ne touchera pas de dividendes sur les deux prochaines saisons, les dernières du cycle actuel de droits TV domestiques, explique un acteur au fait des négociations.
- CVC, bien implanté -
Cet accord à venir, majeur pour un football français déçu par l'élimination récente des ses deux derniers représentants en Ligue des champions (PSG et Lille), survient après deux opérations similaires réalisées en Espagne et en Italie, déjà avec CVC.
La Liga a trouvé un accord à hauteur de près de 2 milliards d'euros pour 10% de son capital malgré l'opposition des deux cadors du Championnat, le Real Madrid et le FC Barcelone. La Serie A compte elle aussi lever 1,7 milliard d'euros via trois fonds dont CVC, une opération néanmoins au point mort ces dernières semaines face aux réticences de plusieurs clubs, selon des médias italiens.
Basée au Luxembourg, CVC Capital Partners dispose de 165 milliards de dollars sous gestion, principalement en capital investissement (92 milliards) et en dette (29 milliards).
Son appétit pour le sport ne fait plus guère de doute: outre ces incursions dans le foot, la société a injecté 400 millions d'euros dans le Tournoi des six nations de rugby, après avoir détenu la majorité des parts du championnat de Formule 1 de 2006 à 2016.
(A.Laurent--LPdF)