Bleus: après l'action de Mbappé, quel avenir pour le droit à l'image ?
L'absence de Kylian Mbappé lors d'une opération marketing des Bleus a remis sur la table le sujet du droit à l'image en équipe de France. L'attaquant pourra-t-il faire "bouger les lignes", comme il le réclame? Si oui, dans quel sens?
- Que dénonce Mbappé ? -
L'attaquant du PSG conteste la convention signée à son arrivée chez les Bleus en 2017, laquelle liste les obligations (respect de l'éthique et de la vie de groupe, utilisation de son image dans un cadre collectif, etc.) auxquelles tout international doit se soumettre, en échange d'une prime de 25.000 euros par match.
"Jamais renégociée" depuis sa première sélection, la convention "ne permet plus de développer l'image du football dans le respect des valeurs que peut porter l'institution, mais aussi de celles propres à chaque joueur de l'équipe", ont affirmé ses représentants dans un communiqué transmis à l'AFP. Ils demandent des échanges avec la Fédération française (FFF) pour "améliorer les dispositifs en place dans l'intérêt collectif".
Mais plusieurs zones d'ombre subsistent sur les demandes réelles du Francilien, qui affirme reverser l'intégralité de ses primes à des associations caritatives.
"Sous couvert d'éthique et de soutien au football amateur, l'entourage de Mbappé milite pour l'individualisation du droit à l'image. Sauf qu'en équipe de France, c'est l'égalité qui prime et c'est une belle idée", estime un acteur proche des instances.
L'avocate du joueur Delphine Verheyden a clarifié ses positions dans les colonnes du quotidien L'Equipe en demandant une "renégociation collective régulière", dénonçant "le risque de déformation de l'image" des internationaux. "Kylian veut intervenir sur ce qu'il génère", affirme-t-elle lundi.
- Qu'en pensent ses coéquipiers ? -
Des joueurs tiraillés entre choix marketing personnels et partenariats collectifs, l'équipe de France en a connus dans le passé et le dossier Mbappé n'est pas une première.
Raphaël Varane, ambassadeur à titre personnel de Jaguar, a été confronté au cas délicat d'une opération FFF avec Volkswagen alors que son club d'alors, le Real Madrid, était sous contrat avec Audi.
"On ne peut pas mettre Jaguar en avant le lundi, Audi le mardi et Volkswagen le mercredi", remarque son ancien agent d'image Frank Hocquemiller, qui avait rencontré le président de la FFF Noël Le Graët à l'époque pour amender le texte. La situation "nous a appris à dialoguer avec la Fédération et depuis ce jour-là, on discute, on trouve des solutions", dit à l'AFP l'actuel conseiller de Lucas Hernandez et Corentin Tolisso
Mbappé a-t-il ouvert une brèche dans laquelle s'engouffreront ses partenaires ? "J'ose espérer que ça ne donnera pas d'idées aux autres", pointe Frank Hocquemiller.
Le capitaine Hugo Lloris a temporisé, jeudi. "Les droits à l'image représentent un sujet très complexe dans le football ou dans le sport, surtout quand on appartient à un collectif", a-t-il reconnu. "Maintenant, Kylian a une dimension tellement importante au niveau de son image que des questions peuvent être posées".
- Quelles conséquences pour les Bleus et leur convention ? -
Le président de la Fédération Noël le Graët, peu adepte des "sanctions" dans ce cas de figure, a promis de rencontrer l'entourage de Mbappé avant le mois de juin, date des prochains matches des Tricolores, et assuré qu'un terrain d'entente serait trouvé avec le champion du monde.
Une réunion entre la Fédération et la majorité de ses partenaires est par ailleurs programmée de longue date dans les prochaines semaines et sera l'occasion pour la "3F" de répondre aux interrogations suscitées ces derniers jours chez les marques par le "boycott" du Parisien.
Quant à la convention signée par les Bleus, il faut y intégrer "une clause de conscience" et "un droit de regard", plaide Delphine Verheyden dans L'Equipe.
Elle gagnerait "à être développée pour apporter un peu de souplesse au système, qui de l'extérieur, paraît rigide", prolonge Frank Hocquemiller.
"Rien n'interdit dans la convention d'inscrire des raisons valables pour le joueur de refuser un partenaire: conflit d'intérêts avec son club, avec un partenaire personnel, avec une conviction religieuse, un principe personnel comme la malbouffe", propose l'agent d'image, défavorable à l'hypothèse d'un contrat individualisé et indexé sur la notoriété de chaque joueur. "En club, il y a des disparités et c'est normal car c'est l'employeur. Mais l'équipe de France, il n'y en a qu'une, l'intérêt de l'un n'est pas supérieur à celui d'un autre".
(H.Duplantier--LPdF)