Marathon des Sables: tempêtes émotionnelles au coeur du désert
Course extrême des plus redoutables dans le désert, le Marathon des Sables a mis à l'épreuve 901 coureurs venus du monde entier qui ont bravé tempête, nuits glaciales et forte chaleur durant six jours pour une performance et une expérience de vie inoubliables.
Six jours, 230 km, une étape longue infernale, le tout en autonomie: la 36e édition du Marathon des Sables, partie dimanche, a été remportée vendredi pour la neuvième fois par le Marocain Rachid El Morabity, auteur d'une course époustouflante, dans un temps total de 18 heures 33 minutes.
Dans son sillage, une cinquantaine de coureurs jouant le chrono, d'autres à la foulée moins rapide, et puis, en fin, les marcheurs.
Tous connaissent le mythique Marathon des Sables et sont venus s'y frotter pour vivre quelque chose hors du commun, dans un décor envoûtant - le désert marocain - entre dunes de sable jaunes et ocres, djebels (montagnes d'Afrique du nord) aux teintes parfois noirâtres et terrains plats remplis de gros cailloux.
"J'ai vu un film dans un avion qui racontait cette course. Je me suis dit que c'était un défi fou, impossible à réaliser. J'ai revu le film et là, je me suis dit que je devais tenter", raconte Richard Bysouth, un homme d'affaire anglais de 53 ans qui a participé à son premier "MDS".
- "Mais pourquoi ?!" -
Le Britannique - plus d'un quart des engagés sont Britanniques - n'en revient toujours pas. "Je suis stupéfait de l'avoir fait", souligne-t-il tout en se badigeonnant de crème solaire avant de prendre le départ de l'étape marathon vendredi. "Chaque jour j'oubliais ce que j'avais fait la veille. Mentalement c'est très dur. J'ai mis 24 heures pour la longue étape, à lutter contre le froid, la faim, la fatigue. Mais pourquoi est-ce que je fais tout ça ?!"
Sûrement pour cette "vraie leçon de vie", dont parle le Français François Chaulin (29 ans), les pieds entre les mains de l'un des 57 "Doc Trotter" du service médical de la course.
"C'est incroyable de convivialité. C'est un défi physique et une aventure humaine. Sur les derniers kilomètres t'es au forceps mais 80% des gens qui te dépassent ont un petit mot pour toi. Et ces lumières qui clignotent, c'est féérique", poursuit le novice.
Les lumières, ce sont les frontales des concurrents qui ont illuminé la nuit noire de la longue étape, soit 86 km, de mercredi à jeudi. Rachid El Morabity a bouclé l'étape en 7 h 27; le dernier a mis 32 heures.
Mais quelle arrivée pour ce dernier ! Tous les concurrents se sont pressés sur la ligne pour accueillir le Belge Samir El Bidadi, devenu "la mascotte" des soignants qui se sont presque tous occupés de cet accidenté de la vie.
- En larmes -
Des cris de joie, des applaudissements et l'émotion de Samir El Bidadi, mêlée à celle de l'Espagnol Abdelkarim el Hayani, passé trois secondes plutôt et en larmes après avoir accompli ce que personne n'aurait imaginé possible: courir le Marathon des Sables pieds nus.
La nuit avait été rude et belle à la fois, sans repère ni lumière, excepté les étoiles.
"J'avance sans penser à rien. Ca fait 12 heures qu'on marche... Mais on arrivera avant le lever du jour", se promettait une concurrente en passant au milieu de la nuit sans s'arrêter au cinquième checkpoint de l'étape, où certains avaient tout de même choisi de dormir un peu, ou se réchauffer autour d'un feu de camp.
"J'ai marché 12 heures dans le noir avec une femme que je ne connaissais pas parce que ma lampe ne fonctionnait plus. On a parlé toute la nuit. Et ça a été si étrange de voir son visage à la lumière. +Oh je ne savais pas à quoi vous ressembliez !", se souvient Richard Bysouth.
Les jambes rigides, les pieds tentant d'effleurer le sol, les plus marqués se sont accrochés à leurs bâtons après avoir enduré trois jours de tempêtes de sable, s'engouffrant sous les tentes.
Lundi la deuxième étape a été redoutable, avec des températures grimpant de 8 degrés en seulement une heure pour approcher les 40 degrés. Cinquante participants ont lâché prise.
Samedi se courra une étape de solidarité pour les quelque 800 finishers, dans le pur esprit du Marathon des Sables.
(V.Castillon--LPdF)