Tennis fauteuil: Déroulède, du syndrome de l'imposteur aux coups d'éclat
Propulsée en équipe de France de tennis en fauteuil il y a deux ans, Pauline Déroulède, qui a eu la jambe gauche arrachée lors d'un accident, s'"autorise" enfin à battre des filles du top mondial, un cap psychologique important sur la route des Jeux en 2024 à Paris.
La N.2 Française débute un nouveau tournoi jeudi à Antalya (Turquie) en quête de points pour grimper au classement et peut-être décrocher l'unique wild-card délivrée pour le tournoi de Roland-Garros à la meilleure Tricolore, qui est actuellement Emmanuelle Morch.
"Dernièrement j’ai eu un vrai déclic à jouer mon meilleur tennis. J'avais moins de frustration, de retenue comme j'avais à cause de la peur de rater. S'auto-supporter", explique à l'AFP Pauline Déroulède, dont la vie a basculé en octobre 2018 après avoir été percutée par une voiture conduite par un nonagénaire.
Pratiquante assidue de tennis loisirs avant l'accident, elle a fait de ce sport aujourd'hui son projet de vie professionnel. Mise en lumière lors d'un show télévisé, "Danse avec les stars", elle a su rebondir.
Elle a signé dernièrement deux "grosses performances" lors d'un tournoi en Angleterre, en battant la N.3 mondiale, la Néerlandaise Aniek Van Koot, et la Japonaise Shiori Funamizu (N.14).
- Cap psychologique -
"C’était chouette, c’est des filles que je vais jouer aux Jeux (en 2024), j’ai passé un cap psychologique, je m'autorise à battre ces filles. Quand j’ai commencé, je ne me sentais pas légitime. Il y a beaucoup de jalousie dans le haut niveau, ce qui est nouveau pour moi. Quand tu es exposée et que tu affiches tes ambitions, ça dérange", glisse-t-elle.
Avec les Jeux dans son viseur, elle avance "step by step" en apprenant à se servir d'un fauteuil, elle qui vit avec une prothèse. En paratennis, les seules catégories sont le tennis en fauteuil et le tennis pour sourds et malentendants.
"Mon handicap est un avantage, entre guillemets, parce que j’ai mes abdos. Mais contrairement à d’autres filles qui sont tout le temps en fauteuil, ça m’est moins familier. Les filles savent que je ne roule pas dans la vraie vie donc elles vont me faire rouler, c’est normal, c’est le jeu", reconnait la sportive de 31 ans.
Dès son entrée dans le monde du haut niveau, elle s'est astreinte à un gros volume de travail, à raison de 4 heures de tennis par jour et 2 heures quotidiennes de travail physique.
- Apprentissage du fauteuil -
"Je fais aussi beaucoup de séances consacrées au +rouling+, sûrement plus que d'autres joueuses parce que je ne vis pas en fauteuil. Au début, j'ai eu un blocage. Après j'ai été déterminée parce que c’est limite plus important que la raquette. Le déplacement en fauteuil, c'est tes jambes. T’as beau avoir la meilleure technique, si tu ne touches pas la balle parce que t’as pas bougé ton fauteuil, c’est mort", fait-elle valoir.
Sa vie post-accident se construit doucement autour de ses trois piliers: sa vie de couple avec sa compagne et leur bébé attendu pour août, son projet sportif et son combat pour une loi rendant obligatoire les tests d'aptitude à la conduite.
Accro au ski - qu'elle a repris pour la première fois depuis son accident -, elle pratique également le crossfit en plus de pousser la chansonnette lors du concert des Enfoirés.
Sacrée championne de France en 2021, elle est en passe d'intégrer l'Armée des champions.
"Avant mon accident j’avais une vie ordinaire qui me convenait très bien, honnêtement. J’étais très épanouie dans ce que je faisais, je faisais mon sport, j’étais heureuse. Bon, il y a eu ça. Ca m'a permis de vivre des choses extraordinaires, Danse avec les stars, les Enfoirés. Mais j’ai encore le syndrome de l’imposteur, je suis juste la meuf qui a perdu sa jambe, calmez-vous. Je le pense sincèrement", confie Pauline Déroulède.
(F.Bonnet--LPdF)