Basket: Johannès, l'électron libre en sortie de banc
Talent inclassable et imprévisible depuis des années, l'arrière de l'équipe de France de basket Marine Johannès endosse depuis le début du tournoi olympique le costume de facteur X utilisée en cours de match, qui correspond à son style de jeu et qu'elle a mis du temps à accepter.
Après avoir dynamité la défense allemande en quarts de finale (24 pts, record en sélection), la Normande de 29 ans s'attaque aux Belges vendredi dans une réédition de la demi-finale de l'Euro-2023 perdue par les Bleues.
Elle n'y avait pas participé, non retenue par le sélectionneur Jean-Aimé Toupane après avoir demandé à prendre la préparation en cours pour faire un aller-retour à New York, sa franchise de WNBA.
Une polémique avait éclaté, entre un encadrement mettant en avant la nécessaire cohésion de groupe et les (nombreux) supporters de Johannès, ne comprenant pas comment Toupane pouvait se priver de ce talent capable de passes et tirs incroyables, surtout de loin et dans des positions impossibles. Dont sa spéciale, la banderille envoyée sur une jambe.
Le sélectionneur et Johannès, déjà absente du Mondial-2022 en raison d'une blessure contractée à la dernière minute, se sont expliqué.
"MJ", qui porte les mêmes initiales et le même numéro que Michael Jordan aux Bulls (23, qui orne un pendentif qu'elle porte), a fait son retour en sélection lors du tournoi de qualification olympique en février en Chine, rayonnante comme les Bleues avant donc d'enchaîner aux JO.
Ses troisièmes après 2016 et 2021, abordés avec un nouveau statut et une confiance renforcée, l'âge et ses performances aidant.
"Elle prend de plus en plus d'importance dans le jeu et même à l'extérieur (du terrain). Même si c'est quelqu'un de timide, elle est de plus en plus à l'aise avec tout le monde, elle a vraiment évolué aussi sur ça" notait la capitaine Sarah Michel Boury début juin.
- "Carte blanche" -
Johannès, fan de Stephen Curry, elle-même était consciente de la nécessité de s'affirmer, et se disait face aux médias "un peu plus à l’aise, sûre de (ses) mots et pensées".
"Même si je ne ferais pas ça tous les jours" ajoutait-elle en souriant.
Réservée, Johannès lâche les chevaux sur le parquet, où elle peut prendre feu comme connaître un important déchet inhérent à son style de jeu très risqué.
"Je lui donne carte blanche, elle peut shooter autant qu'elle le peut, c'est son point fort, on serait stupide de ne pas l'encourager à le faire" expliquait Toupane après le deuxième match de poules, contre le Nigeria.
"Aimé nous laisse assez libres en attaque. Son mot principal, c'est la défense. En attaque, il ne s'inquiète pas trop, on va dire" a souligné de son côté Johannès après son récital contre l'Allemagne.
- "Pas comme au foot" -
Le sélectionneur estime que c'est en surgissant du banc pour mettre le bazar dans des défenses usées par l'impact athlétique français que Johannès fait le plus de dégâts, comme mercredi où elle a placé les Bleues devant par deux tirs primés de suite en entrant en milieu de premier quart-temps.
"On sait que c'est une joueuse exceptionnelle. C'est une fille qui est passionnée par ce qu'elle fait" a commenté après ce match Toupane, pour qui Johannès n'est "pas un joker".
"Ce n'est pas comme au foot où il y 11 titulaires et des remplaçants. Au basket, on peut entrer et sortir autant de fois. Dans la dynamique d'une équipe, il vaut mieux avoir une force qui sorte du banc" a-t-il développé.
Johannès a cependant mis du temps à se faire à ce nouveau costume: "J'essaie de faire comme je peux, d'accepter mon rôle. Ca fait maintenant deux mois que ça se passe comme ça."
"C'est un long process, a souligné Toupane. On s'est connus il y a deux ou trois ans, on discute, on échange. Ça n'a pas toujours été facile dans les contextes que vous connaissez. Mais c'est une fille qui est intelligente, qui a compris l'intérêt de l'équipe d'abord."
(V.Blanchet--LPdF)