Vendée Globe: A l'expérience, Clarisse Crémer "tient bon" dans le Pacifique
Bizuth en 2020, la navigatrice Clarisse Crémer (L'Occitane) réalise un deuxième Vendée Globe réussi malgré un vrai parcours du combattant pour être au départ. "J'ai vraiment gagné en expérience", apprécie-t-elle vendredi auprès de l'AFP, solide face aux conditions musclées des mers du Sud.
QUESTION : Comment décririez-vous votre état d'esprit à mi-parcours ?
RÉPONSE : "Ça va plutôt bien. J'ai eu un petit coup de mou ces derniers jours après avoir manqué un front important en raison d'une avarie de hook (pièce qui permet de hisser une voile, ndlr). C'est un peu difficile à digérer, car j'ai perdu du temps et cela aura un gros impact sur ma régate. Depuis, nous devons affronter des conditions vraiment pénibles: nous sommes dans une mer absolument horrible. Je n'ai jamais vu ça. La houle est chaotique, tout se dérègle à bord. Je suis presque sûre qu'on subit des mini-commotions cérébrales avec une vague sur deux ! Malgré tout, le moral reste bon et, globalement, tout va bien".
Q : Vous avez connu une période compliquée pour être au départ (perte de sponsor lié à sa grossesse, nouveau projet, blanchissement après des accusations anonymes de triche), est-ce le Vendée Globe que vous espériez ?
R : "Je suis vraiment en phase avec mes objectifs : la façon dont je veux naviguer, les risques que je suis prête à prendre. Je suis là où j'espérais être, avec assez peu d'erreurs commises jusqu’à maintenant. Je n'avais pas d'objectif concret en terme de classement (12e jeudi à 11h00, ndlr). Évidemment, mieux on est classé, plus on veut y rester. Là, c'est un peu dur d'être distancée, notamment par Justine (Mettraux) qui était encore à ma portée. Elle est peut-être un cran au-dessus, mais cela me pousse à me dépasser. La météo fait que nous allons probablement rester quatre ou cinq jours de plus dans le Pacifique que nos camarades plus avancés".
Q : Avant le départ, vous aviez exprimé votre envie de retrouver une forme de sérénité à bord après toutes vos péripéties. Mission accomplie ?
R : "Comparé à 2020, c’est le jour et la nuit. Je suis beaucoup plus dans l’acceptation des problèmes. Je me pose mille fois moins de questions. Cela reste très difficile, mais les coups durs sont surmontables. C’est exactement ce que je voulais ressentir en repartant, et je suis contente de voir que cela se concrétise. J’ai vraiment gagné en expérience".
Q : Quelles sont vos plus grandes satisfactions jusqu’à présent ?
R : "Il y a eu de nombreux moments incroyables : des paysages magnifiques, les voiles qui glissent bien. Mais ce dont je suis la plus fière, c’est mon état d’esprit. Je tiens bon malgré la fatigue qui s’accumule, le bateau qui souffre et vieillit, et les conditions difficiles. Il va falloir s'accrocher sur la durée, mais c’est très satisfaisant d'être dans cet état mental. Être tout proche de Sam Davies (qui avait 50 milles de retard à 11h00 vendredi, ndlr) est également une grande source de satisfaction. C’est une immense navigatrice".
Q : Comment voyez-vous la deuxième partie de la course ? Chaque mille vous rapproche désormais de l’arrivée. Cela doit être un sacré boost pour le moral !
R : "C’est effectivement un coup de boost même si pour l’instant, je suis encore dans des conditions difficiles. Ça ira mieux dans quelques jours. Nous allons bientôt passer l’antiméridien (ligne de changement de date), ce qui aidera à remettre les pendules à l’heure, littéralement et mentalement. J’ai encore un peu de mal à réaliser que nous sommes sur le chemin du retour. Quand je vois des concurrentes comme Pip Hare (abandon après un démâtage), je sais toutefois que rien n’est jamais vraiment terminé. On a du mal à se réjouir pleinement. Mais le fait de bientôt voir apparaître l'Atlantique sur les routages, c’est un bon début. Le vrai effet +waouh+, c’est quand les routages commencent à montrer une arrivée aux Sables-d'Olonne. Mais c'est plutôt pour dans une vingtaine de jours, il faut donc rester très concentrée".
(O.Agard--LPdF)