En 1961, le maire d'Evian victime des ultras de l'Algérie française
Il fut la première victime en métropole de la violence meurtrière des ultras de l'Algérie française: fin mars 1961, Camille Blanc, maire d'Evian, était tué dans un attentat, peu avant l'ouverture de négociations entre la France et le FLN.
"Deux charges de plastic ont explosé à 2h30 devant l'hôtel Beau Rivage, propriété de Camille Blanc, maire d'Evian": dans la nuit du 30 au 31 mars 1961, une première dépêche de l'AFP laisse présager le pire.
Le décès de l'édile, "des suites de ses blessures", sera annoncé quelques heures plus tard.
La cité thermale est alors en pleins préparatifs de premières négociations entre les autorités françaises et des délégués du FLN, censées commencer le 7 avril.
L'espoir de mettre fin à la Guerre d'Algérie commence à naître.
Mais depuis que sa ville a été choisie pour accueillir ces rencontres, le maire d'Evian a reçu de nombreuses lettres de menaces de partisans de l'Algérie française.
Camille Blanc "ne les prenait pas au sérieux et il évitait d'en parler pour ne pas inquiéter ses administrés", peut-on lire dans les archives de l'AFP.
Cette nuit-là pourtant, les menaces se concrétisent. Une première charge a été placée sous la voiture du maire, "projetée contre l'un des murs de la mairie".
Un second engin a "été déposé sur le rebord de la fenêtre du living room" de son domicile.
A proximité du téléphone, que le maire va justement décrocher après avoir été réveillé par la première explosion. La deuxième déflagration lui sera fatale.
- Un maire "très populaire" -
Dans la ville, où la nouvelle se répand au petit matin, l'émotion est forte.
Le conseil municipal se réunit en séance extraordinaire et adopte une motion à l'unanimité pour saluer l'oeuvre du maire, "tombé victime du devoir dans l'exercice de ses fonctions".
Camille Blanc, âgé de 50 ans et plusieurs fois réélu depuis 1945, "avait l'estime de ses administrés et aussi celle de ses adversaires politiques. Son dynamisme et sa générosité l'avaient rendu très populaire", écrit le reporter de l'AFP.
Après s'être illustré pendant la Seconde Guerre mondiale comme "l'un des chefs de la Résistance locale", il était devenu maire à la Libération sous l'étiquette de la SFIO et avait modernisé la ville au fil de ses mandats.
Malgré la mobilisation policière, le poseur des bombes ne sera arrêté que cinq ans plus tard, en 1966.
Pierre Fenoglio, qui a bénéficié de l'aide de plusieurs complices, est un ancien d'Indochine, proche de l'extrême droite et qui rejoindra les rangs de l'OAS en Algérie. Il reconnaîtra avoir placé les explosifs, mais niera l'intention de tuer le maire d'Evian.
Il sera condamné en 1967 à vingt ans de réclusion criminelle. L'un des complices, Jacques Guillaumat, sera condamné à huit ans de réclusion. Quant à Paul Bianchi, désigné comme le donneur d'ordre et en fuite au moment du procès, il sera condamné par défaut à la peine de mort.
Un an plus tard, en juin 1968, Fenoglio fera partie d'une liste de prisonniers grâciés par le général de Gaulle, parmi lesquels figurait notamment l'ex-général Salan, ancien chef de l'OAS.
(O.Agard--LPdF)