L'Allemagne face au défi de la reconstruction un an après des inondations liées au climat
Panser les plaies et réparer les dégâts: l'Allemagne commémore jeudi les inondations meurtrières, liées au changement climatique, qui ont dévasté il y a un an l'ouest du pays et dont les stigmates sont toujours présents.
"Nous n'avons pas oublié les habitants de la vallée de l'Ahr et nous savons combien d'entre eux luttent encore pour reconstruire leur maison", a déclaré depuis cette vallée dévastée en juillet dernier le président de la République, Frank-Walter Steinmeier, autorité morale en Allemagne.
Dans cette région de l'ouest du pays, des milliers de sinistrés attendent encore de rentrer chez eux tandis que routes, ponts, réseaux d'eau ou d'électricité sont en chantier pour encore des mois, voire des années.
Le chancelier Olaf Scholz participera en fin de journée aux commémorations qui se poursuivront jusqu'au week-end avec notamment des chaînes humaines dans plusieurs villages.
Cette catastrophe a bouleversé l'Allemagne et lui a ouvert les yeux sur sa vulnérabilité et l'inefficacité de ses services d'alerte.
"Le changement climatique nous a atteints, nous le voyons ces jours-ci avec des vagues de chaleur dans de grandes parties de l'Allemagne, où les forêts brûlent et le niveau des nappes phréatiques baisse, tandis que d'autres régions sont touchées par des intempéries", a souligné M. Steinmeier, rappelant l'urgence d'agir pour sauver la planète.
- Une ardoise à 30 milliards d'euros -
Les 14 et 15 juillet 2021, il était tombé sur l'ouest du pays entre 100 et 150 millimètres de pluie, des précipitations inédites en Allemagne depuis le début des relevés météorologiques. Belgique et Pays-Bas ont été aussi gravement touchés.
Dans l'est de la Belgique, les inondations ont fait 39 morts et des milliers de sinistrés.
Lors d'une cérémonie jeudi en présence du couple royal à Liège (est), le Premier ministre belge Alexander De Croo a rendu hommage à "tous les héros" du 14 juillet 2021 qui sont venus en aide aux victimes.
L'ouest de l'Allemagne, dans les Länder de Rhénanie du Nord-Westphalie et Rhénanie-Palatinat, a payé le plus lourd tribut, avec respectivement 49 et 135 victimes. Une personne est décédée en Bavière.
Les flots écumants des rivières sorties de leur lit ont tout emporté sur leur passage.
Le bilan, non définitif, des dégâts est chiffré à plus de 30 milliards d'euros. Les deux régions comptent plus de 85.000 personnes ou foyers sinistrés et quelques 10.000 entreprises touchées.
Les fortes précipitations avaient certes été annoncées en amont par les services météorologiques, mais de nombreux habitants n'avaient pas été spécifiquement alertés.
- Les aides tardent -
Pour éviter de nouveaux ratés, le gouvernement allemand entend désormais utiliser l'envoi d'alertes par un mécanisme appelé "Cell Broadcasting", diffusant sur les téléphones même si le réseau est surchargé ou perturbé.
L'Allemagne compte également réhabiliter les sirènes, dont beaucoup avaient été démantelées ces dernières années.
Ces inondations ont aussi entraîné une prise de conscience, dans la première économie européenne, du péril climatique et des risques engendrés par l'artificialisation des sols.
Un mois après les inondations, une étude scientifique internationale s'appuyant sur des modèles statistiques avait fait le lien entre cette catastrophe et le réchauffement: dans la vaste zone inondée, de la Belgique à la Suisse, les scientifiques ont pu déterminer que la quantité maximale de précipitations avait augmenté de 3 à 19 % en raison du changement climatique.
"Un an après, nous devons pas être oubliés car beaucoup de gens pensent +ils doivent être passés à autre chose+, mais nous n'en sommes qu'au début", met en garde Alfred Sebastian, maire de Dernau, un des villages de la vallée qui doivent selon lui "être soutenus financièrement par le pays".
Dans ce village, un char de carnaval représentant trois singes se couvrant des parties du visage et représentant "politiques, bureaucratie, assurances" montre l'inquiétude et la colère qui habitent encore cette région sinistrée.
Le retour à la normale, malgré l'aide de nombreux volontaires, "prendra encore du temps", prévient de son côté Guido Orthen, maire de Bad Neuenahr-Ahrweiler, une ville thermale particulièrement touchée. Des milliers de particuliers et d'entreprises sinistrés, pris dans les méandres administratifs, n'ont pas encore perçu les aides promises.
En Rhénanie-Palatinat, 500 millions d'euros d'aides ont été versés sur 15 milliards prévus. Dans la région voisine de Rhénanie-du-Nord Westphalie, 1,6 milliard d'euros de travaux ont été approuvés sur une enveloppe de 12,3 milliards.
(E.Beaufort--LPdF)